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Neill Blomkamp
Gran Turismo
Sortie du film le 09 août 2023
Article mis en ligne le 21 août 2023

par Julien Brnl

Genre : Action, drame

Durée : 134’

Acteurs : David Harbour, Archie Madekwe, Geri Halliwell Horner, Darren Barnet, Orlando Bloom, Djimon Hounsou, Thomas Kretschmann...

Synopsis :
Inspiré de l’histoire vraie de Jann Mardenborough, ce film retrace la concrétisation d’un rêve, celui d’un adolescent adepte de Gran Turismo qui, grâce à ses talents de gamer, a remporté une série de compétitions organisées par Nissan et a fini par devenir un véritable pilote de course.

La critique de Julien

S’il y a bien un réalisateur en qui on avait placé beaucoup d’espoir, c’est bien en Neill Blomkamp. Également scénariste et producteur, c’est au Sud-Africain que l’on doit le film de science-fiction « District 9 » (2009), lequel avait concouru à l’époque pour l’Oscar du meilleur film, ou encore du meilleur scénario adapté, lui qui était inspiré pour ce film des événements du District Six du Cap, à l’époque de l’Apartheid. Or celui-ci ne devait pas être le premier du cinéaste, lequel planchait, à l’époque, sur une adaptation cinématographique de la franchise de jeux vidéo « Halo », avec Peter Jackson à la production. Sauf que, faute de financement, le projet n’a pas abouti. Après les déceptions successives de ses métrages « Elysium » (2013) et « Chappie » (2015), sans parler de son film d’horreur « Demonic » (2021) qui n’a même pas obtenu de distributeur chez nous, c’est bien cette fois-ci aux manettes de l’adaptation d’un jeu vidéo qu’on le retrouve. Et pas n’importe duquel, puisqu’il s’agit du simulateur de course automobile « Gran Turismo ». Développé par Polyphony Digital sur PlayStation, cela fait dix ans qu’un projet de film sur ce jeu était en développement, co-produit alors par... Kevin Spacey, via sa société Trigger Street Productions. Or, le film, après être passé par l’enfer du développement, débarque enfin dans les salles, lui qui est également inspiré de l’histoire vraie du pilote automobile britannique Gallois Jann Mardenborough...

Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant Jann Mardenborough a remporté en 2011 le Nissan PlayStation GT Academy 3e édition, qui était un challenge télévisuel virtuel organisé par Sony Computer Entertainment, éditeur de Gran Turismo 5 sur PlayStation 3, et Nissan. Ce concours lui a alors permis de s’offrir une carrière de pilote professionnel, au même titre que l’espagnol Lucas Ordóñez, quelques années auparavant. Entre le championnat de Grande-Bretagne de Formule 3, les Blancpain Endurance Series, les 24H de Dubaï où encore celles du Mans, où il a décroché, en 2013, la troisième place de la catégorie LMP2 avec Greaves Motorsport, Mardenborough a participé à plus de 40 courses, tout en étant confronté à de jeunes pilotes dont l’expérience se résumait à bien plus que des heures passées sur simulateur. Mais le pilote est surtout connu pour son spectaculaire accident survenu le 28 mars 2015 avec sa Nissan GT-R Nismo de classe GT3, sur la section Flugplatz de la Nürburgring Nordschleife, en Allemagne, où sa voiture a littéralement décollé, pour terminer par-delà les clôtures, tuant un spectateur, et en en blessant plusieurs autres. Alors qu’il a ensuite connu quelques résultats honorables, le coureur s’est illustré en Super GT, avant d’être exclu pour Nissan pour la saison 2021, tandis qu’il a concouru cette année-ci pour les courses d’endurance Super Taikyo Series, sans n’être plus impliqué dans un programme en compétition automobile. Les scénaristes Jason Hall (« American Sniper » de Clint Eastwood) et Zach Baylin (« La Méthode Williams » de Reinaldo Marcus Green) se sont donc inspirés pour « Gran Turismo » de son histoire, mais de manière très libre...

Mais quelle mouche a donc piqué Neill Blomkamp pour mettre en scène un film aussi académique dans son genre, lequel, sur un scénario très plan-plan et prévisible, se contente de tracer une route toute tracée ? « Gran Turismo » retrace alors l’histoire de ce pilote, tout en changeant volontairement la temporalité de certains des événements de sa carrière, au profil de la narration, et donc de la fiction. En effet, sa participation aux 24 Heures du Mans de 2013 est utilisée ici en guise de bouquet final rédemptif pour Mardenborough, lui offrant ainsi un podium, à la suite donc de son accident, servant quant à lui de revers et de motivation, alors que ce dernier est survenu avant sa victoire au Mans. Dès lors, on est à même de se demander si la trajectoire du pilote était la plus pertinente à adapter, étant donné que celle-ci, dans la réalité, ne se termine aussi joyeusement et ambitieusement que nous le montre le film. D’ailleurs, les personnages principaux qui entourent ici le jeune acteur Archie Madekwe (vu dans des seconds rôles, dont dans « Midsommar » d’Ari Aster) sont tous fictifs, à l’image de celui que campe David Harbour (Jack Salter), le mentor bougon de Jann, soit un ancien pilote hors pair reconverti en mécanicien pour une écurie financée par un riche homme d’affaires, d’abord récalcitrant à la proposition de Nissan, étant donné son parcours, lui qui a arrêté la course du jour au lendemain, tout en le regrettant, ce qu’il fera notamment comprendre à Jann. Il en va de même pour le responsable marketing de Nissan (Danny Moore), joué par Orlando Bloom, lequel est cependant basé sur le créateur réel de la GT Academy et ancien cadre de Nissan Europe, Darren Cox. Aussi, la relation qu’a entretenue Jann avec son père et ancien footballeur, réticent au rêve idéaliste de son fils, a été ici exagérée par rapport à la réalité, alors que ses parents lui ont offert, dès ses 8 ans, des cours de pilotage en karting, jusqu’à ses 11 ans, faute de moyens. Aussi, les rivaux de Jann, joués par Darren Barnet (Matty Davis, l’un des meilleurs pilotes en devenir de la GT) et Josha Stradowski (Nicholas Capa, champion hautain d’une écurie adverse, pour qui travaillait justement Jack Salter) sont purement inventés, tandis que l’intrigue ne nous épargne - évidemment - pas une romance à fleur de peau, avec Maeve Courtier-Lilley (Audrey). Tout cela au service d’une histoire qui coche toutes les cases du parcours semé d’embûches d’une jeune recrue et (sans doute) champion en devenir (qui écoute du Kenny G et du Enya pour se décontracter avant de prendre le volant), qui devra ainsi faire ses preuves et sa place sur les circuits, et passer donc de « simracer » à conducteur, et cela face à l’adversité, la critique (les professionnels considèrent les gamers comme dangereux, étant donné que piloter un simulateur de course n’est pas la même chose que de conduire une vraie voiture de course), les conseils avisés, mais difficiles à entendre, la remise en question, ou encore l’autorité. Autrement dit, on a déjà vu des dizaines de fois cette histoire au cinéma, et c’est bien dommage, elle qui emprunte un canevas très conventionnel, finalement très ennuyant...

Là où la patte du cinéaste Neill Blomkamp se fait un peu ressentir, c’est bien dans les idées de mise en scène du film, ainsi que par certains plans vertigineux. Par exemple, lorsque Archie Madekwe s’installe sur son siège pour jouer à sa console, celui-ci se retrouve comme embarqué dans une voiture de course, laquelle apparaît fictivement en images de synthèse autour de son siège, comme s’il était finalement à la bonne place, tandis que lors des quelques scènes de courses qui rythment le métrage, Blomkamp les filme à la fois avec des drones FPV (à vision subjective) frimeurs, volant jusqu’à 150 km/h, des hélicoptères, et des caméras fixées sur un support télécommandé à l’avant d’un véhicule lancé à toute allure dans une course-poursuite, supplantant ainsi les voitures principales. Aussi, pour une question d’immersion, l’équipe technique a mis au point une voiture-témoin pour reconstituer l’habitacle des voitures lancées à toute vitesse, tandis que l’image laisse aussi place à celles des pièces du moteur en plein travail - et fusion - lors des courses. Quant à celles-ci, elles ont été réalisées par des cascadeurs encadrés eux-mêmes par le véritable Jann Mardenborough, tandis que c’est lui qui assure aussi la doublure cascade d’Archie Madekwe. Sans pour autant révolutionner le genre, « Gran Turismo » offre alors au spectateur quelques bonnes sensations. Tout de même, pour un jeu réputé pour son réalisme visuel et la profondeur des sensations de pilotage, on en attendait davantage, ou en tout cas autre chose qu’un énorme produit marketing visant à remplir les poches de ses investisseurs...



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