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Andrew Niccol (2014)
Good Kill
Sortie le 29 avril 2015
Article mis en ligne le 26 avril 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Un pilote de chasse devient pilote de drone, basé à Las Vegas. Combattant à distance les talibans la journée, il rentre ensuite chez lui en banlieue retrouver sa famille. Mais l’exécutant va commencer à se poser des questions sur sa mission, et se demander dans quelle mesure il ne contribue pas, en tâchant de les éliminer, à créer les nouveaux terroristes d’une guerre sans fin.

Acteurs : Ethan Hawke, January Jones, Zoë Kravitz, Jake Abel, Bruce Greenwood, Kristen Rakes, Alma Sisneros.

C’est avec émotion et plaisir que j’ai découvert ce nouveau film d’Andrew Niccol avec l’acteur Ethan Hawke qui avait déjà tourné avec lui dans Bienvenue à Gattaca et Lord of War. L’honnêteté m’oblige à préciser que nombre de mes confrères journalistes - dont certains sont d’excellents amis - n’ont pas le même enthousiasme et que le film déjà sorti sur les écrans français y reçoit un accueil mitigé.

 La guerre n’est pas un jeu vidéo

Commençons par une anecdote. Il y a six ou sept ans, un jeune homme de ma famille a passé des épreuves de recrutement dans notre armée nationale. Il a dû, notamment, se mettre à « jouer » avec une console vidéo. Il a tiré sur tout ce qui bougeait. Il a été recalé. On lui a dit qu’il a fait tout ce qu’il ne fallait pas faire. Il aurait dû attendre, observer, discerner, patienter, analyser et au besoin tirer. La guerre n’est pas un jeu vidéo lui a-t-on dit !

Le film est complètement indépendant et aucun studio n’a voulu y participer, car ils le considéraient comme « inconfortable ». L’armée n’a évidemment pas apporté son aide à ce long métrage qu’elle considère (avec d’autres citoyens des USA) comme antiaméricain. Le réalisateur a dû s’appuyer sur des révélations de Wikileaks, sur celles de Bradley Edward Manning (maintenant Chelsea Manning), notamment pour les photos des attaques de drones et sur celles de quatre anciens pilotes de drones. Good Kill, c’est la prolongation ultime d’American Sniper. Nous ne sommes plus là à un tir de précision à 1,5 km, mais à plusieurs milliers de kilomètres.

 Une guerre à la « maison »

Le réalisateur arrive de façon admirable à rendre compte d’une guerre désincarnée. Ces soldats ne sont pas fondamentalement différents de jeunes qui jouent sur des consoles vidéo et probablement que certains pilotes font de même au retour de la base militaire. Parce que cette guerre a tout d’un jeu vidéo : nous ne verrons que les images vidéo prises à longue distance et en altitude par les drones. Nous n’aurons jamais une image sur le terrain, les effets dévastateurs des tirs, le bruit des explosions. Rien, tout se fait dans le silence, sauf les conversations dans le stand de tir.

On ne voit rien, on ne risque rien. Et notre « héros » Tom Egan, a beau se vanter au drugstore du coin qu’il a abattu des talibans, on ne le croit pas. Et lui-même regrette son avion parce que là, le danger était réel pour lui. Même s’il bombardait de haut, il y avait toujours le risque, même minime que son avion soit atteint. Là, il doit exécuter des missions dans l’horaire qui lui est imparti. Après lui, un autre lui succédera à la console. Il aura tiré sur des hommes en train de célébrer des funérailles, sur des sauveteurs après les explosions d’un premier tir...

 Un guerrier sans code d’honneur

Les « pilotes » et le « héros » en particulier, sont confrontés à une véritable schizophrénie. Pendant la journée, Tom fait la guerre en Afghanistan depuis le Nevada, il doit prendre des décisions et obéir à des ordres venant de « plus haut » que sa morale conteste, mais que son devoir de militaire oblige à exécuter. Après son job, passer prendre les enfants au sortir de l’école, tondre sa pelouse, préparer un barbecue pour la famille et les amis. Il doit vivre avec sa femme et l’aider et il ne peut lui dire que quelques heures auparavant il vient de tuer quatorze personnes.

Auparavant, la guerre, c’était aller sur le lieu du conflit, laisser là les siens et les retrouver (si l’on était encore en vie) plusieurs semaines ou mois plus tard. Le soldat, quel que soit son matériel, courrait un risque. Il y avait un certain « honneur » à combattre, proche, d’une certaine façon, des combats chevaleresques du Moyen-Age. Ici, rien de tout cela et, à la limite, en cas de problème de transport on pourrait faire du « télétravail » et gérer sa console de drone depuis son PC. J’exagère bien sûr, car ce serait techniquement difficile pour des questions de sécurité. En tout cas, aucun code du guerrier et si l’on tue les mauvaises personnes, une « bonne famille » on vous rappellera simplement de tuer la « bonne » famille.

 La violence s’emballe

Ce seront des hommes seuls, totalement interchangeables, qui exécuteront les ordres comme d’autres ont pu le faire dans des guerres qui sont encore dans toutes les mémoires. Et lorsque le doute survient, lorsqu’une parole d’autorité vient confirmer l’innommable et l’horreur, lorsque l’on frise les conflits évoqués dans l’expérience de Milgram, lorsque la morale n’est plus sauve, il faudra que le militaire, entraîné à obéir exécute un ordre qui aura des conséquences sur un grand nombre. La violence sur le terrain, là-bas, très loin, provoquera des réactions qui amèneront plus de violence, plus de terrorisme qui concernera beaucoup plus de monde encore. Et ainsi de suite. Le drone est ici la prolongation, peut-être pas dernière ni ultime, de la première arme à lancer. Depuis, l’animal chassé ne peut plus se défendre à « armes égales » ne sachant d’où le danger et l’attaque surviendront. Il en est de même de ces civils, hommes et femmes, qui seront de simples dommages collatéraux d’une cible visée depuis une arme qui se situe à quelques kilomètres de là, invisible et inaudible.

Le réalisateur a inclus dans son film un plan où l’on voit le fils de Tom Egan jouer à la PlayStation. Il dit dans une interview qu’il a renoncé à y mettre un autre où l’on verrait de jeunes pilotes aller jouer sur des consoles à Las Vegas pour tuer des zombies après leurs douze heures de travail dans les casemates de l’armée (choses qui se passent dans la « réalité »). Comment ces jeunes soldats peuvent-ils distinguer le monde réel et les mondes virtuels ? Et qu’en est-il de nous les nantis qui pouvons tuer de loin, de si loin dans des pays pauvres ? Qu’en sera-t-il, précise Ethan Hawke quand le monde entier sera équipé de drones ? Il ne faudra peut-être pas attendre cela cinquante ans.

 Le soldat et l’homme impuissants

Le film a le mérite de créer le malaise et d’obliger à s’interroger. Il nous montre aussi les conséquences intimes, sur le terrain, pour le pilote pourtant chevronné. Sa vie de famille et de couple n’y résistera pas. Le film nous montre aussi l’impuissance du « héros ». Lorsqu’il voit à l’écran une femme afghane violée par un taliban, et cela à plusieurs reprises, il se sent totalement impuissant. En somme pas de manière bien différente de l’impuissance de Nazaret Manoogian (joué par Tahar Rahim, dans The Cut de Fatih Akin) qui sortira bientôt sur les écrans. Ce film se déroule il y a un siècle durant le génocide arménien et le « héros » ne peut rien faire, sous peine de mort, lorsqu’il assiste au viol d’une jeune femme. Ici, c’est la même impuissance pour Tom. Nous pouvons nous dire qu’à sa place... Que ferions-nous à sa place ? Une hypothèse est offerte par le film. Devant un nouveau viol qu’il découvre grâce à la caméra du drone, il se révolte, s’enferme et se décide à intervenir et à tirer. Il le fera lorsque le taliban s’écarte de la femme. Il tire. Il y a un temps de latence entre le tir et l’impact, une dizaine de secondes. Et, à peine a-t-il tiré que la femme se dirige dans la même direction que celle du violeur, celle du futur impact, dans quelques secondes...

Interview Andrew Niccol : Good Kill - Quelle fut la réaction de la CIA ?

Interview Andrew Niccol : Good Kill - Quelle fut la réaction de la CIA ?
Journaliste : Sandy Gillet
Prises de vue : Flavien Bellevue et Cédric Le Penru
Montage / sous-titres : Cédric Le Penru
Au cinéma le 22 avril 2015
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Interview Andrew Niccol : Good Kill - Une aide de l’armée ?

Interview Andrew Niccol : Good Kill - Une aide de l’armée ?
Journaliste : Sandy Gillet
Prises de vue : Flavien Bellevue et Cédric Le Penru
Montage / Sous-titres : Cédric Le Penru
Au cinéma le 22 avril 2015
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GOOD KILL by Andrew Niccol - Trailer BE
Remain In Light


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