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Lee Cronin
Evil Dead Rise
Sortie du film le 19 avril 2023
Article mis en ligne le 24 avril 2023

par Julien Brnl

Genre : Horreur

Durée : 96’

Acteurs : Alyssa Sutherland, Lily Sullivan, Gabrielle Echols, Morgan Davies, Nell Fisher...

Synopsis :
Deux sœurs séparées voient leurs retrouvailles être interrompues par l’apparition de démons mangeurs de chair, les poussant dans une bataille primitive pour leur survie...

La critique de Julien

Tout le monde a au moins déjà entendu parler de « Evil Dead » dans sa vie. Et pour cause, cela fait 42 ans qu’est sorti le premier film de cette saga horrifique, devenu un classique du genre, et réalisé à l’époque par un jeune Sam Raimi, âgé de seulement 22 ans. Impossible dès lors de ne pas recontextualiser l’histoire de ce mastodonte du cinéma de genre, alors qu’en sort cette semaine un cinquième opus, intitulé « Evil Dead Rise », et que de nouveaux deadites - du nom des démons qui cherchent à s’emparer de corps de mortels - s’apprêtent donc à posséder de nouveaux fans à travers le monde...

Certes, « Evil Dead » a été mis en scène par Sam Raimi, mais celui-ci était, pour le coup, bien entouré. En effet, c’est en 1975, aux cours d’art dramatique de l’université, que le futur cinéaste a rencontré celui qui deviendra son ami et son acteur fétiche, Bruce Campbell. Alors que ce dernier s’essayait depuis deux ans avec l’un de leurs amis en commun - Scott Spiegel - à la réalisation de films amateurs burlesques, Raimi les a rejoints, produisant dès lors, à trois, une vingtaine de courts-métrages, et cela avant que le colocataire de Sam, Robert Tapert, ne les rejoigne à son tour dans leurs productions, au même titre que les frères de Sam, que sont Ted et Ivan Raimi. Mais c’est bien Scott Spiegel qui aurait fait découvrir au réalisateur de la trilogie « Spider-Man » avec Tobey Maguire le cinéma fantastique. Raimi, aidé par ses amis, dont Robert Tapert à la production, s’est alors lancé à la réalisation de son premier moyen métrage, « Within the Woods » (1978), que l’on peut considérer comme un prototype de son futur premier film, « Book of the Dead ». Rebaptisé par son distributeur « Evil Dead », celui-ci, inspiré par les écrits de l’écrivain d’horreur H.P. Lovecraft et de son concept fictif du « Livre des Morts », appelé aussi le « Necronomicon », racontait alors l’histoire de jeunes gens possédés par des démons, dans une cabane dans les bois, et dans lequel jouait déjà Bruce Campbell, alias Ash Williams. C’est alors après que leur film ait fait beaucoup parler de lui que Raimi, Tapert et Campbell se sont lancés corps et âme dans l’aventure de leur premier film, pour un budget de 350 000 dollars, fondant ainsi le 10 août 1979 la société de production américaine Renaissance Pictures. Bricolé, gore et inventif, « Evil Dead » fut considéré comme un succès commercial, remportant près de 7 fois sa mise aux États-Unis, et près de 30 millions de dollars de recette dans le monde. Mais c’est bien au fil des années que le film s’est fait une réputation, devenant rapidement culte. Ce dernier a d’ailleurs fait l’objet de deux suites, intitulées « Evil Dead 2 » (1987) et « Evil Dead 3 : l’Armée des Ténèbres » (1992), ainsi que d’un remake très réussi, sorti en 2013, intitulé sobrement « Evil Dead », réalisé par l’Uruguayen Fede Alvarez (lequel réalisera trois ans plus tard l’excellent et éprouvant « Don’t Breathe : La Maison des ténèbres »), alors que Raimi et Campbell en étaient les producteurs et consultants créatifs. Puis, en 2015, c’est la série télévisée « Ash vs Evil Dead » que nous avons pu découvrir, créée par Sam Raimi lui-même (réalisant au passage le premier épisode, coécrit avec son frère Ivan), et dans laquelle Bruce Campbell revenait en tant qu’Ash Williams, plus âgé. Mais après trois saisons, celle-ci s’est vue injustement annuler, Campbell annonçant pour l’occasion qu’il ne jouera plus son rôle d’Ash. La question de l’avenir de la saga était donc - à ce stade-là - incertaine...

Longtemps dans les tuyaux après le succès du remake, c’est seulement en 2019 que Raimi a annoncé au Comic Con de New York qu’un nouveau film était (finalement) en développement. C’est ce dernier qui en a d’ailleurs choisi le réalisateur et scénariste, Lee Cronin, avec lequel il avait travaillé sur la série d’anthologies horrifiques « 50 Shades of Fright » (2020), tandis qu’il a mis en scène le film d’horreur surnaturel « The Hole in the Ground » (2019) ; inédit chez nous à sa sortie. Baptisé un temps « Evil Dead Now », et prévu pour une sortie directe sur la plateforme de streaming HBO Max détenue par Warner Bros. Pictures, c’est finalement en salles que sa sortie fut décidée, en août dernier, après un plan de restructuration de la distribution des films du studio. Une bien bonne nouvelle en soi, que nous avions apprise avec la plus grande des joies et des impatiences, et que voici enfin dans nos salles...

Après un prologue qui scalpe, rendant dès les premiers instants hommage au film original, tout en offrant aussi une improbable lecture adaptée à « Evil Dead » d’un passage de l’unique roman d’Emily Brontë, « Les Hauts de Hurlevent » (1847), et situant rapidement son action vis-à-vis des événements qui suivront, « Evil Dead Rise » met en scène Beth (Lily Sullivan), une technicienne de guitare n’ayant plus rendu visite à sa sœur Ellie (Alyssa Sutherland) depuis des lustres, ignorant d’elle qu’elle est désormais célibataire, tandis que l’immeuble dans lequel elle habite avec ses enfants Danny, Bridget et Kassie sera détruit dans un mois. Leurs retrouvailles tourneront alors au cauchemar le plus total, à la suite d’un tremblement de terre. En effet, de retour après avoir été chercher des pizzas, Danny découvrira, dans un trou créé par les secousses sous le garage de l’immeuble, plusieurs artefacts religieux, trois vinyles phonographiques, ainsi qu’un étrange et intriguant livre, remontant avec le tout dans l’appartement (spoiler : [1]). Très, très mauvaise idée !

Travelling nerveux en caméra subjective figurant un démon qui s’apprête à pénétrer sa future victime pour la transformer en deadite, incantations d’outre-tombe, voix possédées aussi caverneuses qu’aiguës, grosse mouche qui se pose sur le corps d’une personne nouvellement possédée, fluides corporels en tous genres qui suintent ou sortent en trombe d’orifices, démembrement, sadisme ou encore second degré sont tant d’ingrédients qui caractérisent la saga « Evil Dead », et que l’on retrouve ici, sans oublier une photographie bien sombre (éclairée ici à la bougie), sale et putride, ainsi que la fameuse tronçonneuse, décapitant sans relâche ! Oui, « Evil Dead Rise » est un carnage (dans le bon sens du terme), tandis que Lee Cronin parvient à donner un second souffle à cet univers barré extrêmement violent, en parvenant à déplacer l’intrigue originelle dans un immeuble délabré, et en passe d’être rasé, mais dans lequel il n’y a déjà pourtant plus d’issue. Aussi, il utilise à bon escient des demi-bonnettes, donnant ainsi à voir deux images en une, mais avec des profondeurs différentes, prolongeant ainsi l’horreur, pour un résultat... très sympathique !

Autour d’une dynamique familiale dysfonctionnelle à peine écorchée, le metteur en scène nous offre un bain de sang en hommage au travail de Sam Raimi, mais qu’il n’a ici aucunement l’intention d’imiter ou de singer, en tant que grand fan. Personne n’est d’ailleurs ici épargné, ni même les enfants. Et malgré ses traits quelque peu rendus inexpressifs par la chirurgie, c’est l’actrice et mannequin Alyssa Sutherland qui parvient à tirer son épingle du jeu, une fois que l’entité a pris part de son enveloppe corporelle, titubante et disloquée. Que dire également de l’excellent doublage francophone de l’actrice par Frantz Marjorie, et ses variations de voix ? Les maquillages y sont également pour beaucoup (malgré l’utilisation de lentilles superficielles), au regard des scènes vues au travers d’un judas de porte, où l’on peut voir l’actrice en deadite tentant de manipuler les membres de sa famille afin qu’ils la laisse rentrer dans l’appartement, pour sauvagement les tuer... Effrayant, et digne d’un film d’horreur ! Or, pour jouer un rôle pareil de marionnette décérébrée pourrissant à vue d’œil, il faut le vouloir ! Pourtant, le démon n’est jamais ici aussi malin que dans les versions de Sam Raimi, ou bien celle de Fede Alvarez...

En effet, le mal joue davantage ici la carte de la torture physique plutôt que psychologique, ce qui est bien dommage. Nous avons dès lors droit à des scènes gores pour des scènes gores (celle du couloir, sans une once d’empathie), et qui ressemblent finalement, dans leurs effets (trop spéciaux à notre goût), à tout ce qu’on a déjà vu dans le genre. Et puis, ce n’est pas tant dans l’effet horrifique que le film s’offre du second degré, mais bien au travers de certains dialogues. Pas donc de possessions burlesques à la « Evil Dead » ou encore à la « Jusqu’en Enfer » (2009) (également de Sam Raimi) ici, tandis que le film de Lee Cronin ne s’avère guère généreux en surprise... En effet, trop insistant, le réalisateur ne laisse rien ici au hasard dans sa mise en place vis-à-vis des futurs objets et instruments filmés - en gros plan - qui passeront dans les mains (et autres) des personnages, rendant son écriture trop prévisible, sans parler de ses jump-scares, qui tombent assez à plat. Autant dire que le film ne fait dès lors pas sursauter, bien que ça ne soit pas un point négatif, étant donné que la franchise n’a jamais été synonyme de terreur...

Enfin, des questions restent ici en suspens, en plus d’une fin volontairement ouverte. En d’autres termes, ce n’est pas la dernière fois que la saga « Evil Dead » prend possession des écrans de cinéma. Et tant mieux, car le plaisir est au rendez-vous. Mais on espère cependant qu’elle prendra une direction plus audacieuse, malgré de bonnes idées, dont une utilisation très douloureuse d’une râpe à fromage, et une efficacité à en réveiller les morts. Quoi qu’il en soit, Lee Cronin, sous la houlette de Sam Raimi et de Bruce Campbell, parvient à généreusement redonner vie à leur univers dantesque, même si son film n’est finalement qu’un amusement assumé, qui s’oublie assez vite...



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