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François Ozon
Eté 85 : Une histoire d’amour universelle
Sortie : le 14 juillet (sélection officielle de Cannes 2020)
Article mis en ligne le 3 août 2020

par Delphine Freyssinet

Synopsis : L’été de ses 16 ans, Alexis, lors d’une sortie en mer sur la côte normande, est sauvé héroïquement du naufrage par David, 18 ans. Alexis vient de rencontrer l’ami de ses rêves. Mais le rêve durera-t-il plus qu’un été ?

Distribution : Félix Lefebvre (Alexis), Benjamin Voisin (David), Philippine Velge (Kate), Isabelle Nanty (la mère d’Alexis), Valérie Bruni-Tedeschi (la mère de David), Melvil Poupaud (Monsieur Lefèvre)

A noter : Le sida, qui a ravagé toute une génération, n’est pas évoqué, l’homosexualité n’y est pas traitée comme « un problème », ce qui était éminemment moderne pour l’époque. Rappelons que l’homosexualité n’a été dépénalisée en France qu’en 1982.

Après « Grâce à Dieu », qui traitait du scandale des abus sexuels dans l’église, François Ozon signe avec son 19ème long-métrage, « Eté 85 » son film le plus personnel.

Il le dit lui-même : il a réalisé ce film pour l’adolescent qu’il était (il avait 17 ans en 1985).
En adaptant le livre qui l’avait bouleversé alors, « La danse du coucou » de l’anglais Aidan Chambers, François Ozon aborde les thèmes qui lui sont chers : l’éveil à la sensualité, le désir, l’ambiguïté des sentiments, l’affirmation de soi, la culpabilité, le deuil (« Sous le sable »), l’amour obsessionnel et le rapport de force dans une relation (« Gouttes d’eau sur pierres brûlantes »), tout en multipliant les fausses pistes (« Huit femmes »).

Un film sur l’adolescence, où l’insouciance et la légèreté ne sont qu’apparentes : la première séquence du film, montre un jeune homme de 16 ans, Alex, menotté, le visage fermé, sous le coup d’une inculpation judiciaire. En voix-off, il prévient le spectateur : il va revenir sur l’expérience estivale de 6 semaines qui a viré au cauchemar et l’a conduit devant la justice.
Le spectateur imagine le pire, d’autant plus que le jeune homme traumatisé , se mure dans le silence face à l’éducatrice en charge du dossier (Aurore Broutin). Celle-ci va alors demander de l’aide au professeur de littérature d’Alex, Monsieur Lefevre (Melvil Poupaud, tout en délicatesse et bienveillance) pour l’aider à écrire ce qu’il ne réussit pas à dire : la résilience par l’écriture, en quelque sorte.

Alex nous plonge donc dans cet été, sur les côtes normandes, ces six semaines qui vont bouleverser sa vie dans tous les sens du terme.

Solitaire, introverti, Alex fait une sortie en mer. Surpris par la tempête, il chavire et se retrouve sauvé par David, à bord de son bateau le Calypso.
De fait, David ressemble à un jeune dieu grec : beau, solaire, débordant de vie, sûr de lui.
A ses côtés, Alex va s’éveiller, s’embraser, se consumer. Il a de la vie et de l’amour une conception absolue, idéaliste, romantique.
« Je l’aimais ou je croyais l’aimer. Je l’aimais comme je comprenais le sens du mot amour. Comment savoir ?  »
« Eté 85 » est un film romantique - magnifié par le choix de tourner en super 16 mm : l’image a du grain, les couleurs sont saturées - au sens littéraire du terme, comme le souligne ce poème de Verlaine «  il faut voyez-vous, nous pardonner les choses », lu par Alex à David.
Dans ce romantisme, le rapport à la mort n’est pas absent : Alex est fasciné par elle, tandis que David (qui a perdu son père) vit avec.
En arrière-plan, qu’elle soit plus traditionnelle (Isabelle Nanty, extrêmement touchante) ou fantasque (Valéria Bruni-Tedeschi, épatante), chaque mère est soulagée que son fils ait trouvé « un ami ».

L’ambiguïté des sentiments est parfaitement suggérée par la fluidité de la caméra de François Ozon : il souligne sans surligner, aucun plan n’est à jeter.
Notamment, ce plan magnifique dans la salle de bains, où chacun des garçons prend soin l’un de l’autre après une bagarre dans une fête foraine.

François Ozon ne manque pas de faire un clin d’oeil au ciné des années 80 et au film de toute une génération d’ados : quand, dans la boîte de nuit, David met les écouteurs sur les oreilles d’Alex, on pense irrésistiblement à cette scène dans « La Boum » (de Claude Pinoteau) où Vic (Sophie Marceau) est séduite par Mathieu qui lui met un Walkman sur les oreilles.

Cette scène dans la boîte de nuit est sublime pour ce clin d’œil, mais aussi pour ce qu’elle révèle : Alex, le regard perdu dans une boule à facettes, s’abandonne à ses rêves, ses espoirs - lui qui passe toujours son temps à se poser mille questions, « tu réfléchis trop » lui dit David - s’autorise à éprouver des sentiments pour David, « Sailing » de Rod Stewart dans les oreilles, tandis que David danse frénétiquement, à côté de lui, sur une musique plus rythmée.
Leurs corps s’éloignent, ne sont déjà plus en phase.
Cette même musique de Rod Stewart, est d’ailleurs utilisée plus loin, pour une autre scène absolument bouleversante.

Autre choix musical en guise de clé de lecture, «  In between days » de Cure - sortie en 1985 - qui évoque bien cet âge des possibles, cette période charnière qui nous permet de sortir de notre histoire, ou de la continuer.

Et cette histoire-là est totalement portée par deux jeunes acteurs - Félix Lefebvre et Benjamin Voisin - incandescents, magnifiques, impressionnants de justesse et de complexité. L’alchimie entre les deux fait des merveilles.

Un « Eté 85 » qui fera date.

https://www.youtube.com/embed/b237RIT8bwc
ÉTÉ 85 - Officiële NL trailer - YouTube


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