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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Shekhar Kapur
Et l’Amour dans Tout ça ? (What’s Love Go To Do With ?)
Sortie du film le 08 mars 2023
Article mis en ligne le 27 mars 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie, romance

Durée : 108’

Acteurs : Lily James, Shazad Latif, Emma Thompson, Shabana Azmi...

Synopsis :
Désormais trentenaires, Zoe et Kazim se retrouvent par hasard après plusieurs années. Intriguée par le choix de Kazim d’un mariage traditionnel arrangé, Zoe propose de réaliser un documentaire sur la période qui précède son mariage. Mais le doute commence à s’installer et les deux anciens amis de jeunesse font face à une décision difficile : écouter leur cœur ou la raison ? Parallèlement, les rendez-vous en ligne de Zoe ne se déroulent pas sans péripéties, tandis que la jeune femme doit gérer Cath, une mère plutôt curieuse.

La critique de Julien

Au rayon des comédies romantiques anglaises « arrangées », voici le bien nommé « Et l’Amour dans Tout ça ? », réalisé par le cinéaste indien Shekhar Kapur, installé en Angleterre depuis 1970. La dernière fois qu’on l’a vu à la réalisation d’un métrage, c’était en 2009, lorsqu’il avait signé l’un des dix segments narratifs de la comédie d’anthologie « New York, I Love You », lui à qui l’on doit surtout les récits fictifs du règne de la défunte reine des Britanniques, c’est-à-dire « Elizabeth » (1998) et sa suite « Elizabeth : l’Âge d’Or » (2007), plusieurs fois nommés aux Oscar. Dans son nouveau film, dont le titre fait curieusement penser à celui de la célèbre chanson de Tina Turner, il est question de Zoe (Lily James), une jeune Londonienne documentariste abonnée aux sites de rencontres, en attendant le prince charmant, du haut de la cabane perchée installée dans un arbre, lui-même planté dans le jardin de chez son ami et voisin d’enfance, Kaz (Shazad Latif), d’origine pakistanaise. Alors qu’elle fait face à une mère un brin excentrique et loufoque (Emma Thompson, en surjeu), la demoiselle peine à trouver l’amour (quitte à en venir à vouloir congeler ses ovocytes), alors que Kaz, lui, va suivre le chemin de ses parents, mariés à la suite d’une union assistée. Poursuivant sa carrière de cinéaste en devenir, Zoe se lancera - de l’avis de ses producteurs - dans son nouveau projet, intitulé « Love Contractually » (on est persuadé que vous avez la référence), qui la conduira à filmer le périple amoureux de son ami, avec son accord et celui de sa famille, alors qu’ils s’étaient jadis, tous deux, échangé leur premier baiser dans ladite cabane...

De Londres à Lahore (qui est la deuxième ville la plus peuplée au Pakistan après Karachi, sa capitale), cette comédie étonne par ses connaissances pertinentes de la culture pakistanaise et la tradition de ses mariages, se faisant sur 4 jours, dédié chacun à un rituel. C’est que le film a été écrit par la scénariste anglaise, productrice de télévision, de films et de documentaires Jemima Goldsmith, elle qui était auparavant journaliste et rédactrice en chef associée d’un magazine politique et culturel britannique, tandis qu’elle a été rédactrice en chef européenne du magazine américain « Vanity Fair ». Or, cette dernière a été l’épouse de 1994 à 2004 d’Imran Khan, un homme politique pakistanais et ancien capitaine de cricket, qui a été le 22e Premier ministre du Pakistan d’août 2018 à avril 2022, et avec qui elle a eu deux enfants. Jemima Khan (son nom de travail) parle ainsi de son histoire au travers de cette romance, elle qui a vécu à Lahore, la ville natale de son époux, où elle avait appris à parler ourdou et portait également des vêtements traditionnels pakistanais, tandis qu’elle s’était convertie à l’Islam quelques mois avant son mariage. « Et l’Amour dans Tout ça ? » explore alors la manière dont les différentes cultures peuvent s’apprendre mutuellement, et comment les relations peuvent suivre des chemins différents, sans qu’il n’y ait de modèle parfait à suivre, alors que l’Orient préfère la beauté intérieure à la physique, laissant ainsi « les maladies mentales aux Occidentaux ». Ce que prône ici le message principal du film, c’est que l’amour arrangé (et non forcé) peut rendre heureux, et peut donc fonctionner, confrontant ainsi ses partenaires à mijoter plutôt qu’à directement bouillonner, lesquels construisent leurs sentiments au cours de leurs cheminements sentimentaux et familiaux, quitte à (espérer) tomber amoureux. À vrai dire, on souffre moins lorsqu’on en attend le moins. Alors, pourquoi pas ?

Tandis que le titre du film fait également référence à l’interview désastreuse des fiançailles de Charles et Diana et la célèbre citation « Whatever in love means » qui en a découlé (Khan était une amie proche de la princesse Diana, passant du temps avec elle au Pakistan dans les années 90), « Et l’Amour dans Tout ça » questionne aussi l’honneur familial et la responsabilité qui en incombe, ici pour celui qui est voué à épouser une parfaite inconnue, selon les volontés de ses parents. Or, Kaz devra réfléchir à deux fois, alors que son grand-père est décédé à la suite de l’annonce du mariage de sa sœur (Iman Boujelouah) avec un Londonien, alors que sa grand-mère se refuse toujours de la voir, ni même son petit-fils (!). Mais alors que Zoe (se) raconte des contes de fées pour endormir les enfants de sa meilleure amie (trompée d’ailleurs par son époux), c’est dans l’incompréhension et la confrontation avec ce mariage - plus insisté qu’assisté - que la demoiselle ouvrira, d’une part, les yeux sur ses véritables sentiments à l’égard de l’homme qu’elle aime et, d’autre part, sur sa propre définition de l’amour, qu’elle trouvera donc loin de ses rendez-vous amoureux, alors que sa mère essaie de la casser avec son médecin vétérinaire (Oliver Chris)...

À l’opposé du drame belge « Noces » (2017) de Stephan Streker, qui parlait aussi de mariage pakistanais traditionnel, mais imposé (et inspiré d’un triste fait divers), « Et l’Amour dans Tout ça ? » s’inscrit dans un tout autre registre, en faveur de l’ouverture et des différences de perception des traditions, et montre une facette respectable du mariage ici arrangé, tandis que sa scénariste y rend un hommage lumineux au Pakistan (même si aucune scène n’y a été tournée avec les acteurs). Pourtant, le film de Shekhar Kapur rétrograde en cours de route, pour se conformer plutôt que d’assumer ses valeurs défendues, en y invitant ainsi l’infidélité, et les faux-semblants, cachés derrière le voile. Aussi, cette romcom se veut extrêmement prévisible, tout en surfant sur de nombreux clichés inhérents au genre. En effet, on sait dès les premières minutes comment cette histoire va se terminer, et surtout où, c’est-à-dire là où tout a commencé pour ses deux personnages principaux, tout sourire...



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