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Sam Mendes
Empire of Light
Sortie du film le 08 mars 2023
Article mis en ligne le 8 mars 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame, romance

Durée : 119’

Acteurs : Olivia Colman, Colin Firth, Toby Jones, Micheal Ward, Tanya Moodie, Monica Dolan...

Synopsis :
Hilary est responsable d’un cinéma dans une ville balnéaire anglaise et tente de préserver sa santé mentale fragile. Stephen est un nouvel employé qui n’aspire qu’à quitter cette petite ville de province où chaque jour peut vite se transformer en épreuve. En se rapprochant l’un de l’autre, ils vont apprendre à soigner leurs blessures grâce à la musique, au cinéma et au sentiment d’appartenance à un groupe...

La critique de Julien

Après ses films à gros budgets « Skyfall » (2012) et « Spectre » (2015) issus de la franchise James Bond, ou encore le multirécompensé et audacieux film de guerre « 1917 », le cinéaste anglais Sam Mendes revient à du cinéma plus intimiste avec « Empire of Light », au travers duquel il a puisé dans ses souvenirs et de ceux de ses amis d’enfance, tandis que le rôle principal, écrit sur mesure pour l’actrice Olivia Colman, est inspiré de membres de sa famille qui ont été confrontés à une maladie mentale. Lettre d’amour au cinéma (sur pellicule), vécu ici comme une échappatoire à la maladie ou au rejet social, ce drame déroule son tapis rouge au début des années 1980, sur la côte nord du Kent, en Angleterre, et précisément à Margate, une station balnéaire notamment réputée pour son parc d’attractions Dreamland, tandis que son cinéma a vu sa signalétique être changée ici en « Empire Cinema » pendant la production du film, lui qui devient le théâtre d’une histoire d’amour entre deux êtres que tout oppose...

Hilary Small (Olivia Colman) y travaille alors comme régisseuse de service, elle qui est aux prises avec un trouble bipolaire, et s’est vu prescrire du lithium par son médecin généraliste. Bien qu’elle vive seule, Hilary a des relations sexuelles extraconjugales avec son patron Donald Ellis (Colin Firth), dans le bureau ce de dernier. Tandis qu’elle tente de préserver sa santé fragile, elle fera la rencontre du jeune Stephen (Michael Ward), un jeune noir britannique victime des skinheads et de leur racisme, vivant quant à lui avec sa mère infirmière (Tanya Moodie), lui qui va commencer à travailler à l’Empire, mais qui n’aspire qu’à quitter cette petite ville de province, où chaque jour est une épreuve, tout en souhaitant étudier à l’université. De leur connexion humaine née à l’étage désaffecté du cinéma, les deux amants vivront une idylle aussi intense qu’indescriptible, et réparatrice qu’éphémère.

À l’égard de « Babylon » de Damien Chazelle et de « The Fabelmans » de Steven Spielberg, Sam Mendes rend à sa manière hommage au cinéma au travers de ce film dont il a écrit seul le scénario, pour la première fois (et cela se ressent), et dans lequel on peut entendre et entrevoir des films qui ont façonné son cinéma, tels que « Being There » (1979) d’Hal Ashby, « Les Blues Brothers » (1980) de John Landis, ou encore « Chariots of Fire » (1981) d’Hugh Hudson. Le cinéaste nous montre également ce qui pouvait se passer dans une cabine de projection, et cela par le rôle de Toby Jones, projectionniste de l’Empire Cinema, lui qui a appris ici à passer d’un projecteur à l’autre, à accrocher le celluloïd lorsqu’il passe dans le projecteur, etc. Or, aujourd’hui, le numérique a remplacé la pellicule, et la projection manuelle n’est pas donc plus, comme certains le voyaient, le dernier maillon de la chaîne de la création artistique cinématographique. Mais son film est bien plus qu’une ode au cinéma, puisque Mendes y dresse le - vague - portrait d’une époque révolue. Nostalgique, « Empire of Light » est d’ailleurs bercé par une bande-originale constituant la vie de Mendes, de Bob Dylan à Cat Stevens, en passant par Joni Mitchell, tandis qu’on peut y entendre des groupes dont la musique a été nourrie par la situation politique de l’époque, entre Margaret Thatcher, les émeutes de Brixton et Toxteth, le taux de chômage élevé, ou encore le racisme du Front national britannique, lequel est d’ailleurs également au centre de ce récit, assez dispersé...

C’est donc au travers de l’art et de l’un de ses hauts lieux de prédilection que Sam Mendes traite d’une histoire d’amour, mais de bien plus aussi en sous-texte, quitte à s’éparpiller, sans jamais marquer, ni parvenir à raccorder fluidement ses thèmes. D’ailleurs, Mendes ne va jamais au bout de ceux qu’il entreprend, tout comme il nous frustre par son manque de profondeur quant aux profils décrits, à l’image d’une scène où Hilary et Stephen vont à la plage, là où le jeune homme lui parlera de son premier amour, Ruby (Crystal Clarke), avant de poser des questions à Hilary sur son passé et ses histoires sentimentales, mais où elle s’emportera violemment aux hommes, sans explication(s), tout en détruisant le château de sable qu’ils avaient construit. « Empire of Light » choisit ainsi davantage la voie de la dissociation quant à la réalité. On assiste alors à une œuvre aérienne, manifestement contemplative, et quelque peu hors du temps. Et la somptueuse photographie que Roger Deakins (pour sa cinquième collaboration avec le réalisateur) participe à cela, transformant l’Empire Cinema en un endroit de rêve, aux couleurs et lumières chatoyantes, qui réchauffent, tandis que le travail sur les décors - art déco - nous rappelle combien on aime fouler les halls et couloirs d’un cinéma. Que dire également des endroits cachés de l’Empire, comme une salle de bal délaissée, ou son toit, sur lequel se retrouvera le soir du Nouvel An ledit couple, admirant des feux d’artifice ? Le travail de Deakins et de l’équipe technique tout entière offre aux lieux filmés une poésie et une dimension cinématographique irrésistibles, dans lesquelles on plonge davantage que dans la psychologie des personnages, eux nous laissent ainsi sur le trottoir du cinéma, pendant qu’ils y flirtent en cachette. Michael Ward ne nous a ainsi pas pleinement convaincus, la faute à un jeu et une écriture trop lisses, malgré le danger qui côtoie son personnage, au contraire d’Olivia Colman, parfaite et puissante dans son troublant rôle. Mais l’angle de vue extérieur avec lequel Sam Mendes raconte leur histoire empêche l’émotion d’imprégner nos cœurs, au contraire de sa cinématographie, qui imprègne, quant à elle, instantanément nos rétines.



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