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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Olivier Masset-Depasse
Duelles
Sortie le 24 avril 2019
Article mis en ligne le 3 mai 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • troisième long métrage de cinéaste belge Olivier Masset-Depasse après « Cages » (2008) et sa passion amoureuse destructrice, et le thriller psychologique sur fond de critique sociale « Illégal » (2010) ;
  • adaptation du roman de Barbara Abel « Derrière la haine », publié en 2012, aux éditions Fleuve Noir ;
  • Olivier Masset-Depasse devrait en réaliser le remake américain d’ici 2020, tandis que Jessica Chastain et Anne Hathaway sont pressenties pour incarner les deux rôles féminins principaux.

Résumé : Au début des années 1960, Alice et Céline vivent avec leurs familles dans la banlieue de Bruxelles. Elles sont les meilleures amies du monde jusqu’au jour où survient un événement tragique qui vient bouleverser leur univers quotidien.

La critique de Julien

Depuis longtemps annoncé, et dès lors attendu, Olivier Masset-Depasse lève cette semaine-ci le voile sur son adaptation du roman « Derrière la haine » de Barbara Abel. Tragédie familiale traitée sous l’aspect du thriller psychologique, cette histoire implacable est l’occasion pour le cinéaste de rendre hommage au cinéma hollywoodien digne d’un Lynch ou encore d’un Hitchcock, grâce à sa direction artistique exemplaire.

Tandis qu’il s’ouvre sur une plan cadré extérieur de deux maisons mitoyennes de la banlieue chic bruxelloise au début des années soixante, « Duelles » installe directement le spectateur dans l’ambiance. Aux aguets, Alice attend alors avec attention dans sa maison que sa voisine Céline quitte la sienne, pour alors y pénétrer avec rapidité, elle qui en possède d’ailleurs les clefs. La question est alors de se demander ce qu’elle est en train d’y faire, sachant qu’elle y ferme les rideaux, alors qu’elle semble plus que jamais dispersée, et tendue... Filmée en plan-séquence, cette scène montre déjà toute l’étendue cinématographique de cette production de genre ambitieuse, étant donné également une musique orchestrale créant la tension, et épousant le psyché du personne en contexte. Dès le départ, Olivier Masset-Depasse joue déjà astucieusement de ses artifices face au contrepoids du scénario, étant donné que cette scène ne reflète finalement dans l’histoire que les préparatifs de la fête d’anniversaire de Céline, la meilleure amie d’Alice.

Alors qu’elles vivent dans deux maisons qui n’en font visuellement qu’une, façon « effet miroir » (loin d’être anodin), les deux femmes sont des mères de famille très complices, et épouses comblées. D’ailleurs, le fils d’Alice et Simon, Théo, et celui de Céline et Damien, Maxime, sont nés à quelques semaines d’intervalle, lesquels sont également de bons amis, inscrits en plus dans la même école. L’équilibre semble alors parfait entre les deux familles, et surtout pour les deux femmes, toujours là l’une pour l’autre. Malheureusement, leur amitié fusionnelle va se transformer en un véritable poison suite à un terrible drame maternel impliquant Maxime, et s’étant déroulé devant les yeux impuissants (ou non) d’Alice... Interprétée par l’actrice flamande Veerle Bentens (notamment vue dans « Broken Circle Breakdown »), Alice traîne derrière elle quelques problèmes de santé mentale, tandis que Céline, jouée par Anne Coesens (vue dans les séries « Brigade Spéciale » et « La Trêve », et épouse du cinéaste) est plutôt forte. Or, l’instinct maternel, et la situation dramatique vécue par les deux femmes vont dès lors pousser leurs forces et faiblesses dans leurs extrêmes...

Plus rien ne sera plus jamais pareil. « Duelles » nous immisce alors dans un climat d’une noirceur croissante, au travers duquel une amitié va devoir surmonter de rudes épreuves, tels qu’un deuil indescriptible, ou la rancœur d’un côté, et la culpabilité de l’autre de n’avoir rien pu faire. Mais le drame vécu par les personnages ne peut être surmonté sans se tenir les coudes... Pourtant, malgré cela, l’une va douter de l’acceptation de l’autre face à la fatalité ayant touché sa famille, d’autant plus que des indices laissent songeur... La seconde partie du film lorgne dès lors définitivement vers le thriller suspicieux et paranoïaque, servit par une mise en scène au cordeau, et des interprétations magistrales. Le scénario parvient, avec efficacité, à se servir de la personnalité de ses personnages pour nous interroger, en jouant à la fois sur les non-dits et silences, comme sur la folie. Sans difficultés, le film parvient à nous tenir en haleine jusqu’à son dénouement, aussi excitant que décevant par certains de ses choix (bien qu’il s’agisse ici d’une adaptation), tout comme on pourrait pinailler sur certaines incohérences...

Mais le spectateur, lui, qui n’attendait alors que le vrai du faux de cette amitié transformée en rivalité, en sera aussi ému qu’effrayé, et c’est bien là le principal.
Soigné par une photographie claire, contrastée par une sombre histoire, « Duelles » est aussi une véritable ode aux années soixante. La reconstitution est, pour ainsi dire, flamboyante, et glamour. Des coiffures aux costumes, en passant par les voitures, les accessoires ou l’argenterie, Olivier Masset-Depasse a soigné l’esthétique de son film, bien aidé par une équipe technique aux petits soins pour faire alors de ce film un film de genre d’une classe certaine. Ainsi, le visuel, tout comme le soin apporté à la musique, ou encore aux mouvements de caméra, font de la mise en scène un objet de cinéma pointilleux, lequel épouse, sans rougir, des codes du cinéma à la Hitchcock (et pas que).



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