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Olivia Wilde
Don’t Worry Darling
Sortie du film le 21 septembre 2022
Article mis en ligne le 22 septembre 2022

par Julien Brnl

Genre : Thriller, drame

Durée : 122’

Acteurs : Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine, Olivia Wilde, Gemma Chan, Nick Kroll, Douglas Smith, Timothy Simons...

Synopsis :
Une femme au foyer vivant dans une communauté expérimentale commence à soupçonner que l’entreprise de son mari cache des secrets inquiétants.

La critique de Julien

Deuxième film de l’actrice Olivia Wilde après la comédie ado hystérique « Booksmart » / « Premières de Classe » (2019), « Don’t Worry Darling », qui a été présenté en première mondiale à la Mostra de Venise 2022, a déjà fait beaucoup parlé de lui sur la toile, mais pas pour les bonnes raisons. Exit ainsi Shia LaBeouf du casting à la demande de son actrice principale Florence Pugh, elle qui, bien que présente à Venise, aurait préféré éviter la conférence de presse du film étant donné qu’on raconte en coulisses une mésentente entre elle et la réalisatrice... Sans oublier un crachat qui n’en serait pas un de la part d’Harry Styles envers son partenaire de jeu Chris Pine, justement à Venise, le premier étant aussi devenu le compagnon d’Olivia Wilde durant le tournage, lui qui aurait d’ailleurs touché un salaire près de quatre fois supérieur à celui de sa partenaire de jeu, Florence Pugh... Bref, à tort ou à raison, on aura tout lu pendant la production du film, et même tout vu durant sa promotion, de quoi faire jaser la presse à scandale. Mais on aurait surtout tort de ne pas aller voir ce thriller dystopique féministe d’antan et référencé, ainsi qu’extrêmement soigné, même s’il ne va pas jusqu’au bout de son concept...

On y découvre alors le quotidien, dans les années 50, d’une étrange communauté vivant en autarcie dans une ville faite de complexes de maisons très chics, en plein désert, et filmées ici dans les Canyon View Estates californiens. Alice (Florence Pugh) s’adonne alors chaque jour aux mêmes tâches, en tant qu’épouse modèle, à savoir préparer le déjeuner de son mari (Styles), nettoyer de fond en comble la maison, siroter un (voire des) verre(s) d’alcool et papoter avec ses voisines, suivre un cours de danse, ou encore préparer un repas (dantesque) en attendant que sa moitié rentre du travail. Ce dernier est quant à lui « technicien et mécanicien » dans le « développement de matériaux progressifs » pour le projet Victory, dirigé par Frank (Chris Pine), à la fois visionnaire et coach de vie, voire gourou. C’est bien ce dernier et le projet qu’il a créé qui régissent la vie des familles qui vivent là, leur offrant ainsi le luxe et la débauche en échange de discrétion et d’un engagement sans faille à la cause de Victory. Sauf que derrière ce monde de faux-semblants, se cache (évidemment) une tout autre réalité, bien moins jolie, qu’Alice découvrira à son insu, à la suite d’étranges comportements d’une de ses amies, ainsi que de visions immersives qui semblent à la fois psychotiques et réalistes. Mais quel(s) secret(s) renferme(nt) donc ce paradis ?

Dans le développement de son intrigue, « Don’t Worry Darling » joue en terrain connu, lequel nous présente d’abord les strass et paillettes de la vie que mènent les habitants de ladite communauté, lesquels sont fringués de la tête au pied comme des stars de cinéma défilant sur les tapis roules, et cela même pour récurer les toilettes, ou pour partir travailler en décapotable de luxe. L’existence semble alors y être paisible, vécue sans se poser de questions, avant que des événements parasites viennent chambouler la vie d’une de ses pensionnaires, désormais seule contre tous dans sa quête de vérité, elle dont les fondements s’inscrivent dans l’air du temps. Car derrière ce qui s’apparente à des crises de colère, d’angoisse ou de paranoïa de son héroïne se cache une sordide réalité bien misogyne. Les hallucinations, les épisodes délirants ou encore la chanson que fredonne sans le comprendre la jeune femme que Florence Pugh interprète avec poigne ne sont donc pas les fruits du hasard. Mais malheureusement, s’il intrigue, le film d’Olivia Wilde ne tient ses promesses qu’à moitié, n’y répondant ainsi qu’en partie, tandis qu’on aurait aimé en savoir davantage vis-à-vis de sa résolution, elle qui, il faut le dire, éveille notre curiosité. On ressort donc assez frustré de l’aventure, même si on comprend aisément où a voulu en venir sa metteur en scène, par le prisme des aventures de cette femme (au foyer) malmenée. Ainsi, certains points du scénario restent en suspens, Wilde et ses co-scénaristes nous laissant dès lors le choix d’en faire une interprétation personnelle, ou d’y établir un parallèle avec la chute.

En l’espace de seulement deux réalisations, force est de constater qu’Olivia Wilde parvient à créer des univers, certes distincts, mais sans demi-mesure. Ainsi, son film « Don’t Worry Darling » éblouit du début à la fin, avec une reconstitution parfaite de l’optimiste et du rêve américain des années 50. Les couleurs vives et pétillantes font vibrer l’image à chaque instant, tandis que le moindre décor s’inscrit parfaitement dans l’idée d’extravagance de cette époque révolue. Filmé notamment à Palm Springs, le film offre également une séduisante photographie au charme fou, dirigée par le fidèle collaborateur de Darren Aronofsky, Matthieu Libatique, elle qui participe à donner à cette ville un cachet idyllique, bien que totalement subjectif. Quant au travail du son et de la musique, un peu trop envahissant et épousant le rythme des battements d’un cœur, il appuie les abondants effets de mise en scène relatifs à ce que traverse son personnage principal, à savoir des crises incontrôlables, tels d’étouffants et écrasants cauchemars éveillés...

Finalement, c’est vis-à-vis de sa propension répétitive à amorcer son twist que « Don’t Worry Darling » fait fausse route, étant donné qu’il n’en donne pas une suite réflexive suffisamment nourrissante que pour justifier toute cette surenchère, voyant une femme sortir de sa cage dorée qui, depuis le début, n’en était pas une. Inspiré par le « Matrix » des Wachowski ainsi que par le « Truman Show » de Peter Weir, « Don’t Worry Darling » ne va donc pas jusqu’au bout de ses idées, et s’arrête même sans doute au moment le plus propice, et concret. Cependant, il possède une autre corde à son arc, à savoir son actrice principale, Florence Pugh, qu’on avait découvert dans « Lady McBeth » (2017) de William Oldroyd. Cette dernière crève l’écran, et offre une interprétation à la hauteur des enjeux, elle qui ne déçoit donc pas, et a donc offert la prestation que la cinéaste attendait d’elle, et dont on peut aujourd’hui profiter. Face à elle, Harry Styles peine à exister sur la longueur, son personnage n’ayant que peu d’occasions de s’exprimer, tandis que Chris Pine s’avère bien transparent dans la peau d’un antagoniste dont on ne verra jamais la couleur réelle. Enfin, Olivia Wilde elle-même s’offre ici un second rôle, dans la peau de Bunny, la meilleure amie d’Alice, mais trop peu exploité, et dont les révélations laissent également perplexes. Mais dans l’absolu, c’est bien le flou qui entoure les intentions des différents personnages...

Il y a dès lors du bon et du moins bon dans la seconde réalisation d’Olivia Wilde. Mais l’audace du projet, malgré une écriture un peu courte, l’emporte sur l’ensemble, tandis que sa cinématographie, parfaitement illustrative de ses lignes, est un plaisir superficiel de chaque instant, auquel Florence Pugh donne de l’épaisseur, et de la profondeur. À la frontière du réel et (oserait-on dire) du virtuel, « Don’t Worry Darling » a donc du charme, et prouve que sa cinéaste est bien à sa place. Ne vous inquiétez donc pas, Olivia : nous irons voir volontiers votre prochaine réalisation !



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