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Adam McKay
Don’t Look Up : Déni Cosmique
Sortie du film le 24 décembre 2021 sur Netflix (et depuis le 08 décembre sur certains écrans de cinéma - dont aux Grignoux, à partir du 29 décembre)
Article mis en ligne le 28 décembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 138’

Acteurs : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Jonah Hill, Timothée Chalamet, Himesh Patel, Kid Cudi, Rob Morgan, Ariana Grande, Tyler Perry, Ron Perlman, Mark Rylance...

Synopsis :
Deux piètres astronomes s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire.

La critique de Julien

Et si on tenait là la comédie américaine de l’année ? Débarqué sur quelques écrans au Brabant Wallon, à Bruxelles et en Flandre le 08 décembre dernier, et depuis le 24 décembre dernier sur Netflix en guise de cadeau de Noël pour ses millions d’abonnés, « Don’t Look Up ; Déni Cosmique » nous a autant amusé que glacé le sang. Attendu pour son casting plus de dix étoiles, cette comédie dramatique, écrite et réalisée par Adam McKay (« The Big Short : le Casse du siècle », « Vice »), est en effet le parfait témoin de la crise climatique actuelle majoritairement ignorée par le monde politique (Trump par-ci), et dès lors médiatique, trop occupé par l’économie, avançant dès lors de plus en plus dans le déni, faisant passer de nombreuses autres préoccupations avant celle-ci, elle qui est pourtant d’une urgence absolue, à court et long terme. Puis est venue la crise sanitaire, et sa gestion désastreuse par ce même monde (Trump par-là), renforçant dès lors la désinformation, l’impuissance du camp scientifique, et surtout la bêtise humaine. Pourtant, on va tous mourir !

Pour mettre en scène son allégorie scénaristique, Adam McKay a alors imagé la chute prochaine d’une grande comète, s’apprêtant à ravager toute la planète Terre dans six mois et quatorze jours, découverte par le docteur Randall Mindy (Leonardo DiCaprio) et sa doctorante Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence). Ils avertiront le Dr. Clayton « Teddy » Oglethorpe (Rob Morgan), qui est le directeur du Bureau de coordination de la défense planétaire (qui existe vraiment !), ainsi que la NASA. Puis viendra le tour de la Présidente des Etats-Unis, Janie Orlean (Meryl Streep), laquelle préférera pourtant patienter et aviser, ne prenant donc pas le risque d’informer la population mondiale avant les élections de mi-mandat qui approchent, elle qui méprise d’autant plus les universitaires issus d’un « pauvre établissement public », leurs travaux n’ayant aucune valeur à ses yeux par rapport à ceux venus d’établissement issus de la prestigieuse Ivy League. Heureusement que Orlean peut compter sur le puissant donateur et créateur de l’entreprise technologique Bash Cellular, Peter Isherwell (Mark Rylance), avec de tout autres idées en tête vis-à-vis de cette comète. Horrifiés d’une part d’être les seuls à se rendre compte des enjeux qui se jouent actuellement, et d’autre part par leur rôle de lanceurs d’alerte, Randall et Kate n’auront d’autres choix que se mesurer aux médias, afin d’annoncer la fin du monde et de mobiliser le grand public, lequel ne les croira évidemment pas...

Avec ses personnages hauts en couleur, tellement bien caricaturés qu’ils en deviennent réalistes, et son scénario satirique et pourtant oh combien intelligent, « Don’t Look Up : Déni Cosmique » est ce que la comédie américaine fait de mieux, à savoir dénoncer l’absurde par l’absurde. Car finalement, il faut bien rire de l’impuissance des grandes puissances à prendre les mesures qui s’imposent, préférant nier, et toujours chercher l’appât du gain. Et en l’occurrence, si le film est un pamphlet anti-Trump et de sa présidence, celui-ci résonne partout dans notre quotidien, au regard par exemple chez nous de la décision de la sortie du nucléaire en 2025, tout en continuant à produire de l’énergie avec une nouvelle source d’énergie nucléaire modulaire. Dès lors, à quoi bon ? Appuyée par les médias, qui dépendent d’intérêts industriels et/ou financiers, de groupes de presse ou des politiques, la double crise que met alors en scène le réalisateur Adam McKay révèle ainsi les failles d’un monde qui ferme les yeux sur ce qui l’attend demain, s’il ne se décide pas à agir, là, maintenant, alors que la gestion de la pandémie de COVID-19 est le triste et actuel exemple de la machination folle que constitue notre monde.

Autant dire que l’on rit de bon cœur aux frasques et tares des personnages qu’on aime détester, dont Kate Dibiasky (Lawrence), choquée par la bassesse cupide d’une général lui ayant fait payer des snacks et des boissons pourtant gratuites à la Maison-Blanche, mais aussi Randall Mindy (Leonardo DiCaprio), dépassé par l’angoisse et prêt à exploser, ou encore la Présidente des Etats-Unis, Janie Orlean (Meryl Streep), dont la révélation d’un scandale sexuel aura raison de son intérêt à gérer la comète, laquelle, d’après une citation de Winston Churchill ou peut-être de Bobby Knight (l’entraîneur des Hoosiers de l’Indiana !), reconnaît que « le travail le plus difficile pour un chef est de savoir s’affranchir du joug de son orgueil, et d’admettre que des erreurs ont été commises ». Voilà qui devrait inspirer notre cher Gouvernement sur sa récente décision de fermer la culture !

Au plus « Don’t Look Up : Déni Cosmique » s’enfonce ainsi dans la folie humaine, au plus le film se donne droit de raison, et donne à son tour à avoir le cafard. Car à force de détourner l’inévitable avec ironie et causticité, Adam McKay réalise une comédie extrêmement dramatique dans son fond, soulignée par une mise en images absolument secouante, étant donné un montage au travers duquel on aperçoit furtivement des images de la nature à la vie puis à l’agonie, de conflits armés, ou encore de drames sanitaires. Ces dernières rythment alors les indécisions et l’indifférence de nos dirigeants envers la nécessité de lever les yeux, ou ne fût-ce que de les ouvrir vers le futur, avant que ne vienne le coup de massue. Alors certes, tout n’est pas parfait dans le film, au regard de certains personnages sous-exploités, de sous-intrigues peu utiles, de quelques longueurs, mais « Don’t Look Up » parvient à ses fins...

Aussi gros que son sous-titre, « Don’t Look Up » percute en effet le spectateur avec le déni cosmique et déguisé qu’il met en scène, et cela jusqu’au-boutisme de la dérision, quitte à, certes, enfoncer le clou, mais quitte à nous montrer que nous sommes, d’une manière ou d’une autre, perdus, à moins que nous réagissions à court terme. Et rien que pour ça, le film est une réussite sur toute la ligne. Car quand vient le moment du générique, l’humour alarmiste laisse place au silence de la peur, avant que le premier ne revienne à la charge, histoire de nous éviter de cauchemarder. Quoi qu’il en soit, cette comédie laissera des traces. Ou du moins, on l’espère !



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