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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Jakob M. Erwa
Die mitte der welt (Center of My World)
En ouverture de la 15e édition du Pink Screens Festival
Article mis en ligne le 12 novembre 2016

par Charles De Clercq

Présentation : A son retour de vacances, Phil remarque que sa mère et sa soeur ne s’adressent plus la parole. Mais c’est la fin de l’été et ça ne le perturbe pas trop... il préfère passer du temps avec sa meilleure amie Kat et espionner le beau et mystérieux Nicholas qui vient d’intégrer leur école. Phil entame avec lui une relation passionnée, mais non sans questionnement. A la maison comme dans son for intérieur, au silence et au calme, succède une véritable tempête et du passé vont ressurgir des fantômes qu’on croyait enfouis. Très belle adaptation du roman éponyme à succès d’Andreas Steinhöfel, ce film fascinant bénéficie d’interprètes tous plus formidables les uns que les autres.

Acteurs : Louis Hofmann, Jannik Schümann, Inka Friedrich, Sascha Alexander Gersak, Thomas Goritzki, Svenja Jung, Nina Proll, Clemens Rehbein, Ada Philine Stappenbeck, Sabine Timoteo.

 Adaptation d’un roman culte pour la jeunesse

Jakob M. Erwa adapte un roman Andreas Steinhöfel, publié en 1998 et destiné aux adolescents. Dans ce livre écrit en allemand, traduit en plusieurs langues, mais pas (encore ?) en français, l’auteur traite de l’amitié, l’amour, la jalousie, l’envie, le passage de la puberté à l’âge adulte. Un ami qui a lu le roman (ce n’est pas mon cas) et n’a pas vu le film (ce qui est normal, car il sort en Allemagne le jour de sa projection en ouverture du Pink Screen) insistait sur l’aspect fantastique du récit, en particulier via le personnage de Dianne, dans une famille aux marges de la société et des voisins. La mère y a un léger handicap, le thème de l’homosexualité est une partie importante du récit raconté à la première personne par Phil. Ce livre a été nominé pour un prix allemand de la littérature pour jeunes (Deutschen Jugendliteraturpreis).

 Les imaginaires en images...

Faute d’avoir lu le livre, il est bien difficile d’en dire plus sur l’adaptation cinématographique. Quoi qu’il en soit, et l’air de ne pas y toucher, le film a bien sa place en ouverture du Pink Screen Festival. Certaines images, thèmes et scènes étaient fidèles à certains « imaginaires » et fantasmes gays - au risque de clichés - à entendre et découvrir les réactions enthousiastes du public. Par exemple, lors de l’arrivée de Nicholas dans la classe de Phil. On pourrait se croire dans un comédie romantique adolescente, traitée en mode sitcom. Les images, les « héros », la musique, tout concourt ou plutôt semble concourir à faire jouer le film dans cette catégorie. Les acteurs endossent le rôle d’adolescents, même s’ils sont (un peu) plus âgés et ont déjà une carrière au cinéma et à la télévision (ainsi Jannik Schümann, 24 ans, dans le rôle de Nicholas ; Louis Hofmann, 19 ans, dans celui de Phil, Svenja Jung, 23 ans, dans celui de Kino...)[voir plus bas, l’affiche de l’appel de casting pour les rôles principaux].

 L’imaginaire du « je t’aime » !

A certains moments, tout paraît être trop beau pour être vrai, trop conforme aux fantasmes, à l’imaginaire, ainsi Phil, dont l’homosexualité semble si bien acceptée par sa meilleure amie et par mère. Cependant, il ne faut pas s’arrêter là, car ce sont certaines failles et fragilités des personnages qui vont entraîner le film et le spectateur hors des sentiers bien balisés d’une comédie romantique. Le fait que des personnages soient gays est ici second, voire même secondaire, car le film traite de questions qui dépassent largement ce cadre et ouvrir à d’autres thèmes, ainsi les amours imaginaires (et il y a même quelques thèmes proches de ceux abordés par Xavier Dolan, dans, justement Les amours imaginaires). Quels sont les fantasmes et les projections de l’une et de l’autre ? Quel est véritablement l’objet du (de mon) désir et celui-ci peut-il être totalitaire ? Quand faut-il et peut-on dire « je t’aime » ?

 Les enfants, les amants, le père absent

Le film traite également des relations entre les jumeaux, Phil et Diane du silence de celle-ci, de ses mystérieuses escapades nocturnes, de ses dons énigmatiques. Il y a aussi les nombreux hommes de passage, qui transitent quelques jours ou semaines auprès de la maman et puis un jour s’en vont, parfois à leur corps défendant, pour d’obscures raisons. C’est que le père est absent, n’est plus là et que les deux enfants ignorent même son nom, même en cherchant bien dans la liste des amants de la mère dix-sept ans plus tôt. Ces nombreuses quêtes : père, amour, identité, exclusivité, possession, vérité vont ouvrir des pistes et en fermer d’autres. Tout cela sur fond de restes d’une énorme tempête dévastatrice dont les images (prises à l’aide de drones, classique aujourd’hui de la prise de vues) viendront rappeler le souvenir de façon récurrente. Un jour, il faudra faire le deuil des amours imaginaires et partir sur d’autres terres.

 Un film avec une dimension universelle !

Voilà donc un film que je ne regrette pas d’avoir vu d’autant qu’il a pu l’être avec des sous-titres français grâce au festival et ses bénévoles. Bien loin d’être une comédie romantique très ou trop conforme aux clichés « gays », il aborde d’autres questions universelles et essentielles pour les ados et les jeunes et pour tout humain. Normal qu’il ait été présenté en fin juin au festival du film de Munich et également au festival international du film de Moscou. Pour ce dernier festival, il y a eu des réactions négatives dues aux normes sociales officielles (et dans l’imaginaire des gens) relatives à « la question homosexuelle », mais, le choix même du film par les organisateurs témoigne aussi que celui-ci ne peut pas être enfermé dans un thème « gay », mais ouvre de nombreuses pistes très universelles. C’est également ce que précise cet article (en allemand) qui explique pourquoi le roman, écrit par un auteur gay, a été perçu comme « pas assez gay » par les communautés LGBT. Certes le thème y est présent, mais pas abordé de façon conflictuelle. Simplement, comme un donné et une altérité sans problème. Non pas donc pour reprendre une expression utilisée il y a quelques années, le droit à la différence mais à l’indifférence. Ce que je puis confirmer après avoir découvert Die mitte der welt.

 L’affiche du casting des ados



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