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CINECURE
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Éric Besnard
Délicieux
Sortie du film le 15 septembre 2021
Article mis en ligne le 22 septembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Comédie, film historique

Durée : 112’

Acteurs : Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Benjamin Lavernhe, Patrick Chesnais, Guillaume De Tonquédec...

Synopsis :
Au dix-huitième siècle, à la veille de la Révolution française, un cuisinier limogé par son maître trouve le courage, au contact d’une jeune femme étonnante, de se libérer de sa condition de domestique et de proposer son savoir-faire directement au public en créant le premier restaurant.

La critique de Julien

Après trois films de genre et trois autres en hommage à ses proches, Éric Besnard a voulu s’intéresser à ce qui fait l’identité de la France, c’est-à-dire la gastronomie. Alors que la naissance du restaurant s’étale sur plus d’une quinzaine d’années et que le premier à avoir vu le jour date de 1782, soit à l’aube de la Révolution française, « Délicieux » met en scène l’histoire d’un cuisinier audacieux mais orgueilleux, Pierre Manceron (Grégory Gadebois), limogé par son maître le duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe), après avoir revendiqué une part de liberté dans ses créations, en insérant aux agapes aristocrates son fameux chausson de pommes de terre et de truffes (tous deux considérés à cette époque par l’église comme des produits incomestibles et porteur de maladies). Ce dernier s’installera alors avec son fils (Lorenzo Lefèbvre) dans un relais de poste, en pleine province. Mais l’arrivée d’une femme, Louise (Isabelle Carré), souhaitant devenir son apprentie, et les pressions de son fils, incarnant la modernité des Lumières, vont alors le remettre en question. En effet, Manceron n’a connu jusque-là que la condition de domestique, et n’a donc pas connaissance de ce qu’il vaut vraiment. Mais des révélations vont le pousser à entreprendre sa propre révolution, lui qui, entouré de ses acolytes, vont inventer un lieu de plaisir et de partage ouvert à tous : le (faux) premier restaurant.

« Délicieux » nous rappelle que la cuisine, au dix-huitième siècle, était pour la noblesse un moyen de lutter contre l’ennui, et d’attester de sa grandeur ; les services d’un cuisinier étant par la même occasion devenus un ornement, un gage de richesse et de faste. Au contraire, pour le peuple, manger était une question de vie ou de mort. Dès lors, pour l’aristocratie, le peuple était incapable d’apprécier les bonnes choses ; il ne suffisait pas en effet d’avoir l’envie de manger, il fallait surtout savoir manger. L’idée donc d’ouverture d’un lieu où le commun des mortels pouvait se nourrir pour quelques sous seulement dépassait l’entendement, dont celui ici du duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe), lui qui vit aveuglément dans le paraître absolu. Éric Besnard et son coscénariste Nicolas Boukhrief (« Trois Jours et une Vie ») s’offre donc ici un point de vue sur la question, mais dans le sens inverse que celui qui s’est joué dans la vraie réalité. En effet, c’est à Paris, au Palais Royal, qu’est né le premier établissement de restauration convivial, autre que les auberges et les relais de poste. Mais grâce à ce choix scénaristique, il offre au parcours d’un domestique un lâcher-prise vis-à-vis de sa condition sociale première, lequel va alors prendre confiance en lui, et se révéler à lui-même, lui qui est capable d’être son propre patron, et cela d’un lieu maintenant côtoyé quotidiennement depuis plusieurs siècles, et pour longtemps encore.

Grégory Gadebois est idéal dans la peau de cet homme, auquel il offre sa fragilité, sa douceur, ses mains (!), malgré la carapace et les airs un peu bourrus de Manceron, tandis que le cinéaste retrouve Guillaume de Tonquédec, Benjamin Lavernhe, et surtout Isabelle Carré, avec lesquels il avait déjà tournés, eux dont les corps se prêtent plutôt bien aux costumes d’époque. Cette dernière tient d’ailleurs là un rôle essentiel, elle qui incarne un personnage « à masque », tandis qu’il sera évidemment question aussi d’une part de romantisme et de respect mutuel entre les deux protagonistes principaux. Mais voilà, « Délicieux », en plus d’être trop gentillet, s’égare en cours de cuisson dans une sous-intrigue qui l’éloigne de la magie des fourneaux. On aurait dès lors préféré plus d’échanges et de sueurs en cuisine. Qu’à cela ne tienne, cette comédie historique romanesque reste un film d’époque charmant, sans prétention, qui vous mettra en appétit.



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