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Emmanuelle Bercot
De son Vivant
Sortie du film 24 novembre 2021
Article mis en ligne le 13 décembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 120’

Acteurs : Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Cécile de France, Gabriel Sara...

Synopsis : :
Un homme condamné trop jeune par la maladie. La souffrance d’une mère face à l’inacceptable. Le dévouement d’un médecin et d’une infirmière pour les accompagner sur l’impossible chemin. Une année, quatre saisons, pour « danser » avec la maladie, l’apprivoiser, et comprendre ce que ça signifie : mourir de son vivant.

La critique de Julien

D’Emmanuelle Bercot, on retient évidemment son film « La Tête Haute » (2015), ainsi que sa puissante interprétation dans le film « Mon Roi » (2015) de Maïwenn, lui ayant valu le Prix d’interprétation féminine au 68e Festival de Cannes. Cinéaste et actrice que l’on qualifierait de « vraie », Emmanuelle Bercot avait cependant envie de tourner un mélodrame, et d’à nouveau écrire pour Catherine Deneuve et Benoît Magimel (récompensé du César du Meilleur acteur dans un second rôle dans « La Tête Haute »), et cela autour de l’idée d’une mère qui perd son fils. Aussi, par un heureux hasard, cette dernière a rencontré, à l’issue de la projection de « La Tête Haute » à New York, le Docteur Sara, un éminent oncologue-hématologue dirigeant l’unité de chimiothérapie du Mount Sinai Hospital de New York, diplômé de la faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph, et installé depuis presque 40 ans là-bas. Persuadé de leur collaboration, Bercot a alors fusionné les deux univers en un, en filmant ainsi l’histoire d’une mère (Deneuve) qui perd son fils (Magimel), et le chemin de celui-ci vers la mort, accompagné par ce médecin jouant ici son propre rôle...

« De son Vivant » est un film qui nous plonge dans le réalisme du travail de ce docteur mondialement célèbre, lequel est un vrai humaniste vis-à-vis de ses patients, lui qui a aussi développé dans son service un programme de psychothérapie par la musique. Bien qu’au départ, ce personnage ne devait pas être interprété par lui, il a finalement été écrit en s’inspirant totalement de lui-même, de sa pratique, de ses méthodes, aussi bien envers ses patients que son personnel, à l’égard par exemple ici des cercles de parole qu’il organise afin que son personnel puisse vider son sac, étant donné la difficulté de leur travail d’accompagnement vers la mort. Le film est également nourri de scènes réelles auxquelles Emmanuelle Bercot et son équipe ont pu assister. Enfin, quasiment tout le personnel hospitalier que l’on voit à l’écran est joué ici par de vrais professionnels, à quelques exceptions près. Au-delà de ça, tout le reste est purement fictif... Mais « De son Vivant » assume pleinement l’irréalisme de l’écriture de ses personnages, eux qui sont très seuls dans leur malheur, et livrés à eux-mêmes, face à leurs émotions extrêmes, alors que dans la vie réelle, la famille, les amis sont au moins là pour aider à combattre l’incurable. Pourtant, cette mère et son fils n’ont ici aucun ami, voire plutôt des ennemis, dont leurs propres démons.

« De son Vivant » se permet alors beaucoup de choses pour laisser toute la place au drame. L’atmosphère est pesante (malgré la luminosité et la qualité d’accompagnement du Dr Sara), les dialogues sont pessimistes et remplis de doutes, de rancœur, d’incompréhensions, alors que cet homme doit, d’une part, accepter son traitement pour prolonger sa vie, ne pas trop souffrir de la maladie qui le ronge et, d’autre part, « ranger le bureau de sa vie », dans le but de partir en paix, tandis que sa mère, elle, doit sortir du déni et accepter de laisser partir son fils. Le film aligne alors des moments de rencontres entre le condamné et ledit docteur, des dialogues lourds de sens entre mère et fils (étant donné leur relation tendue), puis le début de son traitement, avec en parallèle son quotidien de professeur de théâtre, lui qui, au travers de ce qu’il fait jouer à ses élèves, se prépare à ce qu’il va devoir traverser. Viendra ensuite les complications de la maladie, nécessitant une hospitalisation en soins palliatifs, avec tout ce que cela amènera de tristesse et de fatalité, mais aussi d’acceptation. Sans oublier aussi le rôle de Cécile de France, en tant qu’assistante infirmière du cancérologue (position qui n’existe pas en France). En effet, l’actrice belge incarne ici un rôle discret, livrant également bataille pour ne pas montrer ses émotions, tout en donnant la possibilité, la permission à son patient de montrer les siennes. Sauf qu’une histoire impossible et idéalisée naîtra entre les deux personnages, renforçant d’autant plus la part mélodramatique du film, sans compter sur le choix de jouer « Nothing Compares 2 U » (écrite par Prince mais rendue célèbre par l’interprétation de Sinéad O’Connor) par un personnage « x », à la guitare, au chevet du malade...

Porté avec beaucoup de pudicité par Benoît Magimel, qui devrait - sans surprise - obtenir une nomination aux prochains César du cinéma, « De son Vivant » profite également de l’interprétation de Catherine Deneuve, en mère accablée, qui ressasse sans cesse le passé, alors persuadée d’être responsable de la situation. Or, pour la petite histoire, l’actrice a été victime d’un accident vasculaire ischémique, le 25 novembre 2019, en plein tournage, laquelle a directement été prise en charge dans l’établissement où le film était tourné (l’hôpital de Gonesse), avant d’entamer sa convalescence dans le centre de réhabilitation post-traumatique, tandis que le tournage a seulement pu reprendre en juillet 2020, après avoir également épongé la première vague de la crise sanitaire. Seulement voilà... Après les deux dernières années que l’on vient de vivre, on doute que les gens auront envie de découvrir sur grand écran une telle histoire...



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