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CINECURE
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Emmanuel Mouret
Chronique d’une Liaison Passagère
Sortie du film le 14 septembre 2022
Article mis en ligne le 17 septembre 2022

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique, romance

Durée : 100’

Acteurs : Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet, Maxence Tual...

Synopsis :
Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité...

La critique de Julien

Après « Mademoiselle de Joncquières » (2018) et « Les Choses qu’on Dit, les Choses qu’on Fait » (2020), Emmanuel Mouret reste fidèle aux bons mots et à son thème de prédilection, à savoir l’étude des relations amoureuses. « Chronique d’une Liaison Passagère » porte dès lors merveilleusement bien son nom, lui qui est un film délicat, et aussi passager que le laisse entendre son titre. Un film dont on se délecte à chaque instant.

Il était donc une fois la rencontre entre Charlotte (Sandrine Kiberlain), mère célibataire qui a déjà donné en amour, et Simon (Vincent Macaigne), un homme marié peu confiant, qui va tromper sa femme pour la « première fois », lequel parle un peu trop, et se fait rapidement des films sur l’image qu’il renvoie. Pourtant, dès le départ, les choses sont établies entre eux deux : aucun plan sur la comète, si ce n’est juste se faire plaisir l’un et l’autre, et arrêter de se poser des questions...

De jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, le réalisateur, qui a coécrit son film avec Pierre Giraud, nous met en scène cette idylle à la fois fragile et intense, de laquelle émerge une fois de plus de magnifiques dialogues et répliques, et des vérités sur la vie, mettant en exergue nos façons différentes d’agir, de réagir, de ressentir et d’interpréter, notamment en amour. Mouret filme alors la naissance d’une relation, où « se voir est déjà quelque chose de sexuel », elle qui est pourtant une parenthèse qui, « quand on l’ouvre, on sait qu’il faudra la refermer ». Pourtant, au fil de leurs batifolages, ces deux êtres en quête de plaisir vont s’éprendre l’un pour l’autre, sans pourtant se l’avouer mutuellement, continuant de jouer en terrain d’entente. Jusqu’au moment où ils prendront conscience qu’il se passe véritablement quelque chose entre eux, ce que la caméra nous fera alors ressentir, et cela par un travelling suivi d’un recadrage sur le visage de ces deux partenaires, s’arrêtant alors en chemin, l’une dans son appartement, et l’autre dans les escaliers, alors qu’ils viennent de se quitter pour trois semaines (soit une éternité face à l’intensité de ce qu’ils vivent), le temps d’un voyage Simon, en famille. À moins qu’ils ressentent, à ce moment-là, quelque chose d’autre, comme de nouvelles émotions, résultant de leurs expériences menées ensemble ? Emmanuel Mouret laisse alors planer les émotions, à la fois contenues et sauvages, et c’est tout ce qu’on aime ici, à l’image de la dernière scène, aussi frivole et puissante qu’imaginative dans ce qu’elle ouvre de possibilités.

Au travers de son film, le cinéaste nous parle alors de la vie, de nos choix, et même de choses qui semblent être pareilles d’un jour à l’autre, mais qui ne le sont pourtant plus, étant donné que tout change à la seconde, tandis qu’il souligne aussi notre prépondérance à nous plaindre, à faire des caprices, ou à nous apitoyer sur notre sort, alors qu’être triste est finalement signe de la chance d’avoir vécu quelque chose de beau et fort... « Chronique d’une Liaison Passagère » prend alors l’amour du bon côté, et voit une autre façon de s’aimer, d’aimer la vie et de profiter de la nature et de ce qu’elle nous offre. À cet égard, l’écriture joue également sur ce qu’on en fait, à l’égard d’un oiseau qui crée son nid, et l’humain des immeubles. Car même si cela n’est que béton et matière inerte, tout cela est le résultat de ce que nous faisons de nos pensées, né dès lors de notre nature à entreprendre et construire. D’ailleurs, Mouret nous rappelle que ne demeure - au fil du temps, de toutes ces histoires amoureuses - que les décors que nous visitons, empruntons au quotidien, et cela au travers d’une séquence où il filme lesdits lieux - dès lors vides - par lesquels Charlotte et Simon ont profité de leur rencontre, aussi passagère soit-elle... Enfin, il est également question de désir ; l’être humain étant naturellement attiré par ce qui lui échappe. Le tout est porté par les interprétations toutes en nuance de Sandrine Kiberlain et de Vincent Macaigne. La première, étincelante, touche lorsqu’elle se braque succinctement lorsqu’elle ressent ou entend une parole trop amoureuse de l’homme dont elle est l’amante, que l’acteur parisienne incarne à sa façon, avec sa nonchalance, son parler et son physique reconnaissables parmi mille.

Sur les airs de « La Javanaise » (chantée par Juliette Gréco), les ébats d’une femme et d’un homme qui se cherchent du plaisir, et que filme ici Emmanuel Mouret, sont loin de simples marivaudages, et trouvent toujours les mots justes, de ceux qui donnent le sourire aux lèvres à l’évocation qu’ils renvoient. Oui, « Chronique d’une Liaison Passagère » est un film d’une délicate intention, qui s’apprécie comme une balade au soleil, et que l’imprévu vient encore plus agrémenter de toute sa vitalité, et cela au sein d’une œuvre où rien n’est pourtant laissé au hasard. Bref, on succombe une fois de plus au charme du cinéma de son auteur !



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