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CINECURE
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Atom Egoyan (2014)
Captives (The Captive)
Sortie le 5 novembre 2014
Article mis en ligne le 9 novembre 2014

par Charles De Clercq

Synopsis : 8 ans après la disparition de Cassandra, quelques indices troublants semblent indiquer qu’elle est toujours vivante. La police, ses parents et Cassandra elle-même, vont essayer d’élucider le mystère de sa disparition.

Acteurs : Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Scott Speedman, Kevin Durand, Alexia Fast, Bruce Greenwood, Mireille Enos.

Présenté en sélection officielle à Cannes en 2014, The Captive (qui ne sort en France qu’en début 2015) divise les critiques. Après avoir découvert le film en projection publique peu après sa sortie, je dois bien admettre que - à première vue ! - le dernier Egoyan a de quoi déconcerter. La cotation IMDB (moins de 6 au moment où je publie cette chronique) témoigne d’une note très moyenne, tous âges confondus, avec une courbe de Gauss très classique. Tout au plus, remarquera-t-on que le top 1000 des votants IMDB se situe à moins de 5/10 !

Un confrère journaliste que j’apprécie avait lui déprécié le film et j’ai décidé de me faire mon propre avis. Que dire et penser après ce long métrage réalisé et co-scénarisé par le réalisateur canadien d’origine arménienne qui a réalisé dès 1984 des films qui sont loin de laisser indifférent et dont certains abordaient déjà les questions relatives à la famille, l’identité et la solitude ? Probablement qu’il faut le revoir pour en saisir toutes les clés d’interprétation. Après une nuit de réflexion, j’en propose quelques-unes. Elles ne sont peut-être pas celles du réalisateur, mais, après tout, il lui faut lâcher prise et accepter que l’on puisse y lire ce qu’il ne pense pas y avoir écrit. Il lui resterait, le cas échéant, à fournir ses propres clés dans l’exercice désormais à la mode du « commentaire audio » du réalisateur à la sortie du film en DVD !

Voici donc quelques-unes de mes clés d’entrée dans le film.
Commençons pas ce qu’il n’est pas : le film présenté par la bande-annonce (voir ci-dessous) ! Contrairement à ce que l’on croit attendre, il ne s’agit pas de vérifier l’intuition du père de Cassandra (et ce nom n’est pas innocent, Cassandra étant dans l’Antiquité celle qui annonce les malheurs aux hommes), à savoir que sa fille est toujours vivante. En ce sens, les rapprochements fait avec Prisoners de son compatriote Denis Villeneuve sont probablement exagérés. En effet, cette question est désamorcée dès les premiers plans du film : dès ce moment, le spectateur (omniscient comme l’on dit !) est informé à la fois de l’identité du ravisseur et du fait que Cassandra est en vie !

Dès cette découverte, deux éléments doivent mettre la puce à l’oreille : le miroir dans lequel se regarde le ravisseur et surtout le fait qu’il écoute l’air de la Reine de la nuit (extrait sur Youtube, dans son contexte : la Reine de la nuit commande à sa fille de tuer Pamino). C’est d’ailleurs si important que le titre initialement prévu pour le film était Queen of the Night !

Le film commence sur fond de paysage glacé et enneigé, indifférencié. Il déroulera devant le spectateur deux axes temporels à huit années d’intervalle : l’ici maintenant, l’actuel, dans un déroulement classique du temps et le passé sous forme de flashbacks, de réminiscence. Le passé (qui remonte aux heures qui précèdent la disparition de Cassandra et à l’enquête qui suivra) sera présenté de façon déconcertante au spectateur. En effet, malgré la petite dizaine d’années qui sépare passé et « présent » les acteurs ont la même apparence. Rien n’a été fait pour les rajeunir ou vieillir. Peut-être est-ce volontaire et que le souci d’Egoyan n’est pas là, n’est pas de réaliser un thriller au sens classique et habituel ! Peut-être que le miroir est ici important. Un miroir qui n’est pas sans évoquer chez moi quelques réminiscences avec le téléfilm Welt am Draht (Le monde sur le fil) de Fassbinder. Miroir pour (se) regarder ! Parce que le regard sera également essentiel (via notamment des caméras de surveillance et l’ordinateur). Regard du ravisseur et de ceux qui sont de son bord, regard de la cellule policière !

Une des clés essentielles du film est quasi une mise en abime du spectateur. A un moment donné, dans la cellule de police spécialisée dans la recherche de pédocriminels, un nouveau venu découvre la capacité d’un ancien à voir des choses dans le chaos. On lui présente sur une table un puzzle qu’il ne connaît pas, déposé sur un tas. En farfouillant un peu, il donnera la grille de lecture : un parapluie rouge, un château, des douves, un femme sur un pont ! Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Il précise alors « c’aurait pu être un cerf-volant et non un parapluie ! ».

Cet inspecteur propose une vision holistique d’une situation en s’affranchissant de la singularité de l’un ou l’autre détail. Et c’est ce qu’il me parait devoir être fait par le spectateur. A la fin du film, il pourra relire les divers éléments qui lui ont été proposés, s’affranchir des ellipses et des pistes sans réponse (car il y en a quelques-unes).

Ainsi, l’importance des « paires brisées ou antagonistes » ! C’est le jeu de patinage de Cassandra avec Albert. Leurs paires de patins sont de couleurs dissemblables et feront l’objet d’une discussion dans la voiture entre « truc » et « gimmick » sur le terme adéquat à utiliser et la promesse d’être toujours ensemble et de ne jamais danser avec quelqu’un d’autre ! Cette discussion sera rappelée au père huit ans plus tard !

Cassandra et Albert seront séparés. Matthew sera séparé de son épouse qui le culpabilisera. La paire de policiers (Nicole et Jeffrey) est divisée sur la façon de mener l’enquête. Mais le père et le policier poursuivent chacun une quête opposée et contradictoire : le père croit que sa fille est vivante, le policier que le père est le coupable.

Des intrigues secondaires sont présentes : l’existence de réseaux bien implantés avec des moyens de cryptage informatique très perfectionnés. La présence de pédophiles au sein même d’institutions chargées d’aider leurs victimes (thème abordé dans l’épisode 13 de la première saison de la série Blacklist). Le spectateur pourra même douter du rôle exact de Vince (joué par Bruce Greenwood, un acteur fétiche d’Egoyan) lors d’une soirée de financement d’aide aux victimes. La victime qui « travaille » pour ses bourreaux...

Aucune réponse ne sera donnée au spectateur sur ces diverses questions. Il restera avec ses interrogations, obligé de repenser au puzzle qu’il vient de voir et de chercher des éléments qui lui donneront sens sans se préoccuper de parapluie ou de cerf-volant ! L’important sera, à la fin, de découvrir des paires « retrouvées » : le père et la mère, le policier et la policière, Cassandra retrouvera Albert qui ne dansa jamais avec d’autres, mais toujours avec une paire de chaussures de couleurs différentes ! Il faudra donc faire le deuil des questions laissées à jamais sans réponse par le ravisseur, Mika, joué par un exceptionnel et talentueux acteur, Kevin Durant.

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