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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Andy Muschietti
Ça : Chapitre 2
Sortie du film le 11 septembre 2019
Article mis en ligne le 20 septembre 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • suite de « Ça » (2017), adapté du célèbre roman (1986) du même nom de Stephen King, lequel avait déjà été transposé à l’écran via le téléfilm à succès « Ça - Il est Revenu » réalisée par Tommy Lee Wallace, et diffusé en deux parties (en 1990 aux Etats-Unis et en 1993 en France) ;
  • l’adaptation d’Andy Muschietti est devenu le film d’horreur le plus rentable de tous les temps avec 700 millions de dollars de recettes au box-office international pour un budget de 35 millions de dollars, surpassant ainsi « L’Exorciste » de William Friedkin (428 millions) et « Sixième Sens » de M. Night Shyamalan (673 millions) ;
  • Jessica Chastain (pour sa seconde collaboration avec le cinéaste après « Mama ») et James McAvoy tournent ensemble pour la quatrième fois après « X-Men : Dark Phoenix » (2019) et les trois longs métrages « The Disappearance of Eleanor Rigby » (2014) ;
  • Xavier Dolan, Stephen King et le réalisateur du film, Andy Muschietti, font ici une apparition plus ou moins remarquée.

Résumé : 27 ans après la victoire du Club des Ratés sur Grippe-Sou, le sinistre Clown est de retour pour semer la terreur dans les rues de Derry. Désormais adultes, les membres du Club ont tous quitté la petite ville pour faire leur vie. Cependant, lorsqu’on signale de nouvelles disparitions d’enfants, Mike, le seul du groupe à être demeuré sur place, demande aux autres de le rejoindre. Traumatisés par leur expérience du passé, ils doivent maîtriser leurs peurs les plus enfouies pour anéantir Grippe-Sou une bonne fois pour toutes. Mais il leur faudra d’abord affronter le Clown, devenu plus dangereux que jamais…

La critique de Julien

Vingt-sept ans plus tard, à Derry... Ou plutôt devrait-on dire seulement deux ans plus tard, au cinéma ! « Ça : Chapitre 2 » débarque déjà/enfin (difficile de se prononcer) pour le plus grand plaisir de milliers de spectateurs à travers le monde, ayant découvert la nouvelle version adaptée du roman « IT » de Stephen King, réalisée par Andy Muschietti, après le téléfilm réalisé en 1990 par Tommy Lee Wallace, en deux parties, et sortis aux USA en novembre 1990 sur ABC, et en France en octobre 1993 sur M6. À l’époque, cette première version avait terrorisé toute une génération, et créé une nouvelle phobie appelée « coulrophobie », soit la peur des clowns (certes, on exagère un tout petit peu). Or, cette seconde version du roman du maître de l’horreur n’avait rien à envier à cette mini-série, le réalisateur et son équipe ayant voulu rendre avant tout un hommage au livre culte, tout en lui étant fidèle. On y découvrait alors le « Club des Ratés », soit une bande d’enfants qui tentaient de trouver leur place dans la ville de Derry (une ville fictive de l’État du Maine, aux États-Unis), eux qui étaient alors menacés par une autre bande, mais cette fois-ci de brutes, et sans scrupules, mais surtout par une entité maléfique renommée « Ça », afin de ne pas l’appeler par son nom de clown, « Grippe-Sou ». Cette entité étaient alors capable de prendre la forme des peurs les plus profondes de ses victimes, dont il se nourrissait, et cela tous les vingt-sept ans...

Visuellement bien plus crédible et très efficace dans sa reconstitution d’époque, ce film réussissait à la fois à nous attacher à ses jeunes personnages, grâce au travail réalisé sur leur psychologie, leur cohésion de groupe, et leur amitié naissante. On ne passait dès lors pas à côté des taquineries et des petites bêtises du jeune âge, eux qui se renvoyaient la balle à tour de rôle, pour notre plus grand plaisir. Et puis, évidemment, il y avait « Grippe-Sou », interprété par Bill Skarsgård, dans un jeu aussi terrifiant que celui de Tim Curry (si pas davantage). Dans un tour de force visuel et majeur, parsemé d’artifices de plus en plus impressionnants, chacune des apparitions de « Ça » créaient leur petit effet, à défaut d’une peur viscérale. Que ça soit à coups d’arrivées en fanfare ou de gros plans sur le visage, Skarsgård se voulait habité très impressionnant.

C’était donc de pied ferme que l’on attendait cette suite, pour retrouver Bill, Bev, Richie, Eddie, Stan, Ben et Mike dans leur combat final contre le clown maléfique, vingt-sept ans plus tard, afin de s’en débarrasser une bonne fois pour toute, et dès lors de l’empêcher de se nourrir d’autres enfants. Chacun des membres reviendra alors Derry suite de l’appel de Mike (le seul ayant demeuré dans la ville, et n’ayant jamais oublié ce qu’il s’est passé en 1989), suite à la promesse qu’ils s’étaient faite à l’époque. Les Ratés retrouveront alors peu à peu la mémoire, tandis que leur ami leur dévoilera son plan pour arrêter « Ça » une bonne fois pour toute. Or, pour que celui-ci fonctionne, ils leur faudra retrouver un artefact de leur passé. Ils seront alors confrontés à des manifestations de ce dernier dans leur démarche...

Si l’humour et les vannes sont toujours bien au rendez-vous, ce second chapitre n’est pas aussi convaincant que son prédécesseur, l’effet de surprise déjà en moins. D’une durée qui pourrait sembler interminable, le film ne souffre pourtant pas de temps morts, étant donné qu’il s’y passe toujours quelque chose. Mais à défaut, cela n’empêche pas au scénario de tourner la plupart du temps en rond, et de ne dès lors pas construire grand chose le long de ses près de trois heures. Car il n’est ici question que des retrouvailles, puis d’une quête personnelle, à tout en chacun, dans les endroits clefs de Derry, afin pour se remémorer des souvenirs, revenant évidemment à la surface à coup de menaces signées le clown « dansant », et enfin de l’affrontement final, assez brouillon.

Le vilain défaut du film réside sans aucun doute dans son abus d’effets, qui tue ainsi l’effet. Ayant coûté plus du double de « Ça », cette suite est beaucoup moins intimiste dans la terreur qu’il tente de nous faire vivre. À vrai dire, on a même l’impression de ne plus assister, en crescendo, à un film d’horreur. S’il reste ainsi, par moments, impressionnant, le film n’est jamais perturbant. Et outre les premières apparitions du clown, aucun instant ne ressort du film, étant donné une trop grande surenchère d’effets spéciaux, tandis que « Grippe-Sou » se re-matérialise face aux adultes au travers de leurs peurs enfantiles, que nous connaissons déjà. Autrement dit, on se laisse évidemment prendre au jeu, mais cela n’a plus le même goût, lequel se révèle cette fois-ci amer.

En termes d’écriture (Gary Dauberman, désormais seul ici à la tâche, et déjà responsable de celle du piètre « La Nonne »), on aurait aimé que chaque personnage, auquel le film offre pourtant un segment personnel, soit davantage approfondi, plus marqué par les événements passés (ce que l’œuvre originale ne veut cependant pas). On a alors le sentiment de suivre des personnages intérieurement éteints, lesquels vont se réveiller, mais d’une manière un peu trop mécanique, et spectaculaire. Et cela est d’autant plus frustrant lorsque l’on s’offre au casting la présence forte de James McAvoy (Bill) et de Jessica Chastain (Beverley), laquelle s’est fait longtemps désirée dans ce rôle, avant de l’accepter. Et finalement, ce sont Bill Hader (Richie) et James Ransone (Eddie) qui s’en sortent le mieux dans leur partition, avec des émotions enfuies très intéressantes, au contraire d’Isaiah Mustafa (Mike), psychologiquement assez effacé, au profit d’une enquête qu’il aura menée dans une tribu d’Amérindiens, liée à un rituel. Or, à l’image de la séquence finale (certes visuellement emballée), cet épisode nous passe complètement au dessus de la tête, amené de manière trop opportuniste, tandis que les losers se dirigent vers la maison de Neibolt Street, pour tuer « Ça », dans son réseaux d’égouts, alors que seul Mike sait quoi faire... On a vu mieux comme plan. Heureusement, ça s’en va, et ça ne reviendra plus, car « Ça » est fait de tout petits riens... Quant à Bill Skarsgård, plus rares sont les scènes où il apparaît dans son simple déguisement, lequel est trop souvent affûté de prothèses et de maquillages assez grossiers. Dès lors, sa prestation est ici beaucoup moins efficace et insistante, car broyée dans un festival numérique.

Andy Muschietti reste malgré tout fidèle au roman de Stephen King dans son adaptation, en témoigne la scène d’ouverture, qui pourrait cependant choquer, mais qui figure pourtant bien dans le roman, n’en déplaise à certains. Malgré cela, sa violence est un peu trop soulignée par rapport à celle du clown envers ses victimes, ce que l’on a un peu de mal à comprendre, mais qu’importe. Au-delà de ça, le film nous permet de voir certaines séquences très réussies du bouquin prendre vie, ce qui ravira les fans de la première heure. Cependant, le changement de décorateur et de photographe se fait bien ressentir, à la fois en terme d’idées (on n’y retrouve finalement qu’un pot-pourri de tout ce que l’on a déjà vu) et de palette de couleurs et luminosité (surtout lors de la scène finale, trop sombre).

Si l’on retrouve le « Club des Ratés » comme on l’avait laissé, il y a vingt-sept ans, « Ça : Chapitre 2 » est un divertissement qui s’en donne les moyens, établi autour d’une figure démoniaque plus que réjouissante. Mais par sa mise en scène répétitive, visuellement surchargée, et dénuée de peur, ainsi qu’une écriture trop en surface, cette suite tombe dans son propre piège, et n’offre, en définitive, pas la véritable promesse qu’elle nous avait faite.



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