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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Kenneth Branagh
Belfast
Sortie du film le 02 mars 2022
Article mis en ligne le 3 mars 2022

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 97’

Acteurs : Caitriona Balfe, Jamie Dornan, Judi Dench, Ciarán Hinds, Jude Hill...

Synopsis :
Belfast, fin des années 60. La capitale de l’Irlande du Nord est marquée par un conflit opposant les communautés catholiques et protestantes. De quoi chambouler le quotidien du jeune garçon Buddy. Devant la flambée de la violence et la pression de son entourage pour prendre parti, papa songe sérieusement à déménager. Il faudra pour cela convaincre toute la famille et moins voir les grands-parents vieillissants. Entre le cinéma, l’école et son béguin pour une camarade de sa classe, Buddy n’a pas le temps de s’ennuyer. Il ne faut pourtant qu’une simple étincelle pour que des manifestations tumultueuses déferlent sur le quartier.

La critique de Julien

Alors que son dernier film « Mort sur le Nil », adapté de l’œuvre d’Agatha Christie, est enfin sorti au cinéma en février dernier, lui dont le tournage s’était pourtant terminé en décembre 2019 (!), Kenneth Branagh n’a pas chômé depuis, étant donné qu’il a aussitôt écrit « Belfast » (du nom de la capitale de l’Irlande du Nord), un film tourné quasiment en noir et blanc, et librement inspiré de sa propre enfance, lequel suit l’histoire du jeune Buddy et de sa famille protestante, dans le Belfast de la fin des années 1960, où il a vécu jusqu’à ses neuf ans, alors en proie à un conflit politique et nationaliste, alimenté par des événements historiques et une dimension sectaire...

Ce drame débute alors au moment des émeutes d’août 1969 en Irlande du Nord, alors que les loyalistes protestants commencent à se heurter avec violence aux catholiques et aux nationalistes irlandais, dans un conflit qui durera trente années. Issu de la classe ouvrière, Buddy (Jude Hill) vit alors avec sa maman, Ma (Caitríona Balfe) et son frère aîné Will (Lewis McAskie), ainsi qu’avec ses grands-parents paternels Granny (Judi Dench) et Pop (Ciarán Hinds), tandis que son père, Pa (Jamie Dornan), travaille en Angleterre. La famille sera alors témoin des attaques des maisons et des commerces des catholiques dans leur rue. Tandis que ses habitants érigeront une barricade aux portes de la rue pour empêcher de nouveaux conflits, son père, refusant de prendre part au « combat », se retrouvera, lui et sa famille, menacée par Billy Clanton (Colin Morgan), un criminel local et agitateur sectaire, alors que l’Église et la police (la Royal Ulster Constabulary), manifestement protestants, prendront part à leur manière au combat. Tout cela devant les yeux de Buddy, intrépide petit garçon amoureux d’une catholique, écoutant aussi bien les conseils avisés de son grand-père que d’autres enfants malintentionnés, lequel est témoin des nombreuses disputes parentales, d’une part à la suite de l’absence de son père malgré le danger qui rôde, et d’autre part à cause des dettes qui s’accumulent... Jusqu’à ce que Pa se voit offrir une opportunité qui pourrait les mettre à l’abri, mais nécessitant de nombreux sacrifices, auxquels Buddy et sa maman ne sont pas (encore) prêts...

Outsider par excellence des grandes cérémonies de récompenses cinématographiques, « Belfast » permet à Kenneth Branagh de nous livrer son film le plus intime, lequel manque cependant d’un contexte socio-politique plus affirmé, plus dramatique, et d’autant plus au regard de l’ampleur du conflit narré, dont les acteurs et leurs motivations criminelles ne sont déterminés qu’au travers de reportages télévisuels ou lors de simples et brefs échanges en famille. Pourtant, il y avait là matière à faire, d’autant plus que Branagh appuie ici des raisons religieuses à la base du conflit, alors que la situation était bien plus compliquée que cela. Aussi, on ne comprend pas comment les principaux intéressés (les catholiques et leurs enfants, ou encore les pratiquants pacifistes) prennent le risque de continuer à jouer et/ou de danser dans la rue malgré les attaques en cours. Cependant, on accepte cette part de naïveté, et le point de vue de ne pas entrer ici dans les détails, étant donné que les événements sont vécus ici à hauteur d’enfant. Car oui, il s’agit bien là d’un film sur l’enfance, laquelle se voit ici couper les ailes par une situation qui la dépasse, avec la nécessité de fuir, question de survie, de sécurité, d’avenir.

Même si les émeutes en question représentent à chaque fois un tournant dans la remise en question des adultes, « Belfast » est un film duquel se dégage bien plus de tendresse, et qui regarde toujours vers l’avant. Porté par un casting au service de cette irrésistible et belle petite famille, formée notamment par Jamie Dorman (plus sobre que dans son rôle de Christian Grey), par la talentueuse et sublime actrice irlandaise Caitriona Balfe, ou encore de Judie Dench (Granny, qui écoute les discussions de son mari Pop et de son petit-fils), « Belfast » profite également de sa photographie en noir et blanc, malgré des décors qui sentent un peu trop le studio (surtout la rue filmée en question). On apprécie d’ailleurs les prises de vues actuelles de la ville sur lesquelles s’ouvre et se termine ce film, changeant ainsi de couleur sur un travelling vertical, et contrebalançant avec le Belfast d’avant. Cependant, on ne verra rien d’autre qu’une vue globale du Belfast d’aujourd’hui. Et c’est sans doute sur ce point que le film perd en force, lui qui manque de regard, et ne reflète qu’une vision superficielle, familiale, et sans aspérités marquantes du début d’un conflit ethno-nationaliste, qui allait faire plus de 3 500 victimes, et auxquelles Branagh ne rend pas directement hommage, au contraire des personnes qui « sont restées », qui « sont parties », ou qui « étaient perdues »...



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