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CINECURE
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Albert Dupontel
Au revoir là-haut
Sortie le 25 octobre 2017
Article mis en ligne le 1er octobre 2017

par Charles De Clercq

Synopsis : Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l’un dessinateur de génie, l’autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l’entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire...

Acteurs : Albert Dupontel, Laurent Lafitte, Nahuel Perez Biscayart, Mélanie Thierry, Emilie Dequenne.

 Une émouvante adaptation d’un Goncourt !

Nous sommes sorti émerveillé et quasiment KO debout de la vision du film d’Albert Dupontel. C’est que depuis l’ouverture du film (un plan-séquence dont le héros est un chien) jusque la chute finale du film le réalisateur nous a tenu en haleine. C’est une tragédie souvent, une comédie parfois, écrivons une tragicomédie d’une intensité rare. Les acteurs sont parfaitement choisis et donnent une densité à leur personnage qui, nous l’espérons, devrait émouvoir les plus insensibles ! Il s’agit de l’adaptation d’un roman homonyme qui a obtenu le prix Goncourt en 2003. Son auteur, Pierre Lemaître, a assisté le réalisateur pour le scénario. Pour l’anecdote, Lemaître est crédité au générique, mais n’apparaît pas dans le film, car il a été coupé au montage (On pourrait peut-être le retrouver dans les bonus d’une sortie DVD/BR). Une intrigue qui se déroule à la fin de la guerre 14-18. En réalité peu avant l’armistice et jusque 1920. Deux escroqueries sont présentes en toile de fond. L’une due aux exactions du lieutenant français Pradelle, l’autre, à celles d’Albert Maillard et Édouard Péricourt, devenus amis sur le front à l’occasion d’un ultime baroud d’honneur (ou de déshonneur !) lancé par Henri d’Aulnay-Pradelle. Le film est assez fidèle au roman, mais ne prend pas en compte, sauf inattention de notre part, l’homosexualité d’Édouard Péricourt dont il est question dans le livre.

 Une sale guerre de tranchée

Le film bien qu’assumant son volet ou sa coloration « comédie » est cependant extrêmement dramatique dans certaines de ses scènes, en particulier les combats dans les tranchées, notamment l’assaut demandé par Henri d’Aulnay-Pradelle alors que l’armistice est proche et que les deux camps, Allemands et Français attendent tranquillement sa signature. Le militaire n’a qu’une envie, se battre ou plutôt faire se battre ses troupes (allant jusqu’à tirer froidement dans le dos de deux militaires, l’un tout jeune, l’autre aguerri) pour conduire à une escalade terriblement mortelle. Pradelle ici nous fait penser au général de division Broulard dans Paths of Glory (Les sentiers de la gloire) de Kubrick (1957) qui traite justement de la Première Guerre mondiale [comportement que l’on retrouve également dans Les hommes d’argile, pour la Seconde Guerre, réalisé par Mourad Boucif (sorti en 2015)]. Les décors et les effets spéciaux donnent une impression très réaliste à cette salle guerre qui entraina tant de morts et de blessures et tout particulièrement pour celui-ci, les « gueules cassées » avec toute la question des prothèses qui fait aussi l’objet d’une ligne narrative du film. Dès l’ouverture du récit narré par Albert Maillard, le spectateur sera bluffé par un plan-séquence qui suit un chien qui apporte le document qui informe qu’un armistice sera bientôt signé. La caméra suit le chien à partir d’un drone pour passer l’objectif (le trucage n’est pas visible) à une autre (sur grue ?) dans la tranchée elle-même. Bluffant ! Mais ce n’est pas que pure technique... c’est également une histoire (belle et sale à la fois), très bien racontée et avec une interprétation fabuleuse !

 Des interprètes de talent !

Qu’il s’agisse des premiers ou des seconds rôles, chacun apporte son talent et sa personnalité au film. Qu’il s’agisse d’Émilie Dequenne dans le rôle de Madeleine Péricourt, la soeur d’Édouard ou de Mélanie Thierry dans celui de Pauline qui est au service de leur famille.Le pater familias est littéralement habité par Niels Arestrup qui ne voit rien de bon dans son fils qui lui considère son père comme un « gros con » ! D’autres « seconds » rôles ensuite (mais loin d’être secondaires) Michel Vuillermoz dans le rôle du fonctionnaire Joseph Merlin, un incorruptible, d’une certaine façon. Ajoutons encore Gilles Gaston-Dreyfus dans le rôle d’un maire manquant de pas mal de compétences et si peu sûr de lui.

Restent alors les premiers rôles, Albert Dupontel dans celui d’Albert Maillard. Il incarne l’amitié, la raison, le bon sens sans être casse-cou. Il est le soutien d’Édouard et tombe amoureux de Madeleine. Mais ce sont Laurent Lafitte et Nahuel Pérez Biscayart qui transcendent le film. Le premier en arriviste, retors, arnaqueur et violent, est perfide. Il crée un Henri d’Aulnay-Pradelle fascinant et détestable. Un « méchant » que l’on adorera détester si les circonstances évoquées n’étaient pas aussi pénibles. On se souviendra de ses interprétations récentes dans Elle de Paul Verhoeven l’an dernier et, cette année, de K.O. réalisé par Fabrice Gobert. Nahuel Pérez Biscayart, quant à lui, quasiment mutique (et pour cause) durant tout le film, laissera beaucoup de spectateurs... muets d’admiration. Certains se souviendront de son jeu excellent et difficile, comme Lucas, dans Je suis à toi de David Lambert en 2014, ou encore, cette année de son interprétation de Sean Dalmazo dans 120 battements par minute de Robin Campillo. Blessé gravement au visage il refusera la reconstruction faciale (seule solution à l’époque, mais l’on conviendra qu’elle équivalait à une véritable boucherie) et choisira de se montrer masqué. Tout l’enjeu consistera à multiplier les masques comme autant de « personnes » (nous jouons ici sur l’étymologie) qui se donnent à voir selon l’humeur. L’artiste donne ainsi visibilité à ce que le visage ne peut exprimer, lui qui ne peut être nourri que par une canule recordée à l’oesophage. Bien plus, il peine à parler, à s’exprimer, et tel le mythique Moïse qui aura besoin d’Aaron pour exprimer la parole divine, Édouard aura besoin de la jeune Louise pour être sa voix.

 Le muet et le masque !

La jeune Heloïse Balster, dont c’est la première apparition à l’écran, est également géniale. A son sujet, Nahuel Pérez Biscayart dira : « Nous avons beaucoup répété, mais pas dans le sens strict du mot. Nous avons passé du temps ensemble, nous nous sommes amusés et avons eu plein de moments de pur divertissement. Nous avons essayé de ne pas épuiser les scènes pour garder une certaine spontanéité pour le tournage. Nous nous sommes aussi servis du fait que Louise doive parler pour Édouard, ça nous a beaucoup aidés à rester liés et en complicité constante. Héloïse devait par moments vraiment faire un effort pour déchiffrer ce que je disais, et cela nous obligeait à être présents, à ne pas se quitter du regard. Héloïse a toujours montré une telle envie de jouer et d’explorer que ça a été inspirant pour créer une amitié qu’on a pu transposer dans le film. ». Au début, Édouard écrira sur des ardoises (voir ci-contre) ensuite Héloïse vocalisera sa « voix oesophagienne » ! Si l’acteur retient des conditions difficile de tournage : « Les journées sous la pluie dans les tranchées, la force de l’équipe pour tenir malgré tout, la tourbe bien profonde dans les yeux après chaque assaut et les jets de sérum physiologique pour l’évacuer, le jour où j’ai été malade et vomi un demi-seau alors que juste après je devais jouer une petite scène joyeuse avec Héloïse, me faire trimbaler sur la civière en plein soleil le visage maquillé de boue et de sang en faisant confiance pour qu’on ne me laisse pas tomber dans les trous des tranchées, la cascade et les visages de terreur de la productrice et certains qui craignaient que je perde la tête de manière littérale, les petites siestes sans trop comprendre si j’étais fatigué ou si c’était le gaz carbonique qui me faisait dormir, boire à travers les narines du masque à l’aide d’une paille… et plus encore. » nous retenons l’extraordinaire expression de l’acteur par son corps et surtout par ses yeux. L’acteur arrive ainsi, à travers ceux-ci, la seule partie visible de son visage, à exprimer d’extraordinaires sentiments.

Il faut enfin faire état d’un autre acteur, présent au début du film alors que nous sommes au Maroc. Il interroge Albert Maillard. C’est par ce biais que l’histoire nous est racontée. Albert fait ici office de narrateur omniscient puisqu’il nous donne à voir et à connaître des événements dont lui-même n’a pu être témoin. C’est toute la magie de la fiction et du cinéma. A plusieurs reprises cet auditeur-enquêteur donnera la parole à Albert, relançant le récit pour nous. A la fin du film, l’on comprendra qu’une retraite permet à quelqu’un de retrouver toute sa dignité. L’on vous laisse découvrir le rôle et l’importance de ce policier/militaire à la fin du film.

 Son, musique et image au service du film

C’est Gurwal Coïc-Gallas qui assure le montage du son. Il avait déjà travaillé avec Dupontel sur sur 9 mois ferme. Il s’est basé sur les premiers films sonores qui apparaissent plus tard (pas de son à l’époque pour les films muets dont les images vont l’inspirer pour créer les sons de ce film. La musique originale est de Christophe Julien, qui s’et inspiré de Ravel, Milhaud, Fauré et Gershwin. A ce sujet, le réalisateur précise : « A noter que le thème angoissant de Pradelle se veut une disharmonie ravelienne. Pour le reste, j’ai sollicité la production pour avoir les droits de deux morceaux de compositeurs iconiques : Nino Rota (Raquel) pour la scène où Edouard amuse Louise avec ses masques et Ennio Morricone (Suspicion) pour le thème de Merlin. Ainsi que Fletcher Henderson pour la séquence de fête au Lutetia (Variety Stomp). Et enfin pour finir sur les indications du goût très sûr de mon monteur (Christophe Pinel), on a acheté quelques morceaux existants, surtout Rachel Portman et Debbie Wiseman. » Quant à l’image, le réalisateur insiste sur l’importance de l’étalonnage : « La trichromie inventée par les frères Lumière est un procédé qui a permis il y a 100 ans de coloriser les premières photographies. Beaucoup de photos subsistent de cette période (autochromes d’Albert Kahn) et on a donc des photos en couleur de poilus dans les tranchées et du Paris des années 20. Le procédé consiste à coloriser le négatif lequel, à l’époque ne pouvait être qu’en noir et blanc. Pour ce faire, à l’aide de 2 coloristes (Lionel Kopp et Natacha Louis), on a désaturé les couleurs du film pour les recoloriser plan par plan. De plus a été rajouté un grain numérique (500 asa Kodak) qui peut donner le sentiment que le film a été tourné en pellicule. »

 Bande-annonce :

Au revoir là-haut : Teaser HD st NL
Au revoir là-haut : Teaser HD st NL

Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l’un dessinateur de génie, l’autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l’entreprise va...
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Lien vers la critique de Julien Brnl



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