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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Leos Carax
Annette
Sortie du film le 20 octobre 2021
Article mis en ligne le 1er novembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Film musical, drame

Durée : 139’

Acteurs : Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg, Devyn McDowell, Angèle...

Synopsis :
Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

La critique de Julien

LADIES & GENTLEMEN,
We now ask for your complete attention.
If you want to sing, laugh, clap,
cry, yawn,
boo or fart,
please, do it in your head,
only in your head.
You are now kindly requested to keep silent
and to hold your breath until the very end of the show.
Breathing will not be tolerated during the show.
So, please take a deep, last breath right now.

« So May We Start ? » ! D’entrée de jeu, Leos Carax et les Sparks lancent le tempo. Tandis que leur film s’ouvre sur un écran noir et l’annonce vocale ci-dessus du réalisateur nous demandant de ne faire aucun bruit durant l’histoire qui nous attend, l’intro suit ensuite le groupe des Sparks (formé par les frères Mael) sur ledit morceau, en studio, avant de le quitter, et de retrouver les acteurs principaux du métrage, que sont Marion Cotillard, Adam Driver et Simon Helberg, pour chanter alors avec eux tout le long d’un plan-séquence, se terminant en rue. Commence alors à son issue l’histoire d’Henry (Driver), star de stand-up, et Ann (Cotillard), cantatrice de renommée internationale, formant un couple épanoui mais constamment sous le feu des projecteurs. Une tragique tempête en mer donnera à leur destin et à celui de « baby » Annette, leur fille, une orientation inattendue...

« Annette » est reparti du dernier Festival de Cannes avec le prix ex-aequo de la mise en scène. Et ce qui est certain, c’est qu’il ne l’a pas volé ! Car rares sont aujourd’hui les films qui endossent le statut d’opéra rock, de film opératique. Et pourtant, à mesure que l’intrigue avance, le film nous habitue au style atypique du chant, étant donné que les chansons se substituent aux dialogues parlés. Plus des trois-quarts du film sont alors chantés pour le plus grand plaisir des spectateurs assidus de comédie musicale. Moins pour les autres, donc, d’autant plus que les acteurs chantent ici en live, sans playback, et sans chercher la performance, et donc la justesse, alors que le souffle et respiration deviennent ici visibles, et font partie intégrante du jeu. À l’origine un album - jamais dévoilé au public - du flamboyant duo, la bande-originale du film propose des moments lyriques globalement déconnectés de réalité, et pourtant bien inscrits dans celle des personnages, tels que « We Love Each Other So Much », « She’s Out of this World ! », « Let’s Waltz in the Storm ! », « Girl From the Middle of Nowhere », ainsi que « Sympathy for the Abyss ». Or, si « Annette » est tout aussi expérimental que le cinéma de Leos Carax, la ligne du récit est bien plus traditionnelle que d’accoutumée, ce qui vient sans aucun doute des Sparks, lesquels ont apporté au film une part de conte sombre, que le cinéaste a alors relevé haut la main, mais à sa façon.

Histoire d’amour où la toxicité de l’égo dans le couple est motrice de destruction, d’autant plus malmenée par une exposition au show-business, « Annette » raconte dans sa première partie la lente descente aux enfers d’un couple face à leur besoin de reconnaissance au regard de leur carrière, l’une, réussissant mieux que l’autre, ce qui amènera dès lors une sorte de concurrence diffuse (l’opéra étant vu comme un art noble, au contraire du stand-up, plutôt populaire), rongeant le couple, et principalement le personnage d’Adam Driver, le transformant en monstre. Dans sa seconde, le film nous montre comment les traits et forces d’un enfant, alors hérités d’un parent, peuvent, dans ce cas-ci, hanter l’existence du vivant. Difficile pourtant de croire que cela puisse être possible. Pourtant, l’intrigue s’y prête ici (sans ne rien en révéler). Après l’exploitation de ces traits et forces, « Annette » amorce enfin une étrange sorte de réconciliation avec la paternité, de laquelle viendra naître la véritable Annette. En effet, représentée comme une marionnette depuis le début du film, la petite fille du couple viendra enfin à se libérer des adultes, pour trouver sa propre vérité, et tourner la page...

Vous l’avez compris, ce long métrage est loin d’être un film ordinaire, lui qui met en place une intrigue plutôt contemporaine (la culture du #Metoo y est notamment inclue), mais d’une façon fantasmagorique, empreinte de poésie surnaturelle, et d’artifices dont seul son metteur en scène a la recette. À l’image de son affiche officielle, « Annette » est un tableau qui navigue entre des émotions profondément humaines, tumultueuses, et mises en scène avec une semi-réalité propre au cinéma de son auteur, telle une scène d’opéra où le personnage de Marion Cotillard s’éclipse de la scène pour rejoindre une vraie forêt située derrière le rideau de fer du théâtre dans lequel elle se produit... Et puis, le film n’aurait pas le même charme sans les partitions de ses acteurs, appliqués, lesquels offrent d’une part leur voix, et d’autant part leur physique, pour l’occasion ténébreux, torturé, à l’égard notamment de Simon Helberg, jouant un rôle à ne pas minimiser, dans la peau d’un chef d’orchestre, au départ simple accompagnateur aspirant à être aimé d’Ann, avant de chercher à nouer également un lien avec Annette, la fille d’Ann...



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