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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

James Gray (et Dan Bradley)
Ad Astra
Sortie du film le 18 septembre 2019
Article mis en ligne le 24 septembre 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • le titre du film signifie en latin « vers les étoiles », et constitue un raccourcis de la formule « Ad Astra per Aspera » (« vers les étoiles, à travers la difficulté ») ;
  • présenté en compétition officielle lors de la Mostra de Venise 2019 ;
  • initialement prévu aux États-Unis le 11 janvier 2019, la sortie américaine a été repoussée une première fois au 24 mai, puis au 20 septembre.

Résumé : L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers.

La critique de Julien

Il en aura fallu du temps pour que le cinéaste James Gray et Brad Pitt puissent enfin combiner leur agenda. Annoncé pour la première fois lors du Festival de Cannes 2016 par le cinéaste lui-même, « Ad Astra » marque ainsi la première collaboration aboutie entre les deux hommes, alors que l’acteur et producteur devait initialement tenir le rôle principal dans le précédent film du cinéaste, « The Lost City of Z » (2017), mais qui, pour une raison d’emploi du temps, a été remplacé par Charlie Hunnam. Aussi, James Gray et Brad Pitt avaient longtemps envisagé de collaborer sur une adaptation du roman de Mark Greaney, « The Grey Man », mais sans que cela ne se concrétise. Mais comme ont dit, Jamais deux sans trois ! Pour son septième long métrage, le réalisateur new-yorkais, après l’Amazonie, semble quitter définitivement sa ville natale pour les étoiles, dans un film de science-fiction somptueux qui, s’il en est un dans la forme, ne l’est pas vraiment dans le fond.

Brad Pitt interprète le rôle de Roy McBride, un ingénieur et astronaute de la NASA, lequel a, comme son père (le célèbre astronaute H. Clifford McBride), donné sa vie toute entière pour son métier, et à la recherche de vie extraterrestre. Mais un incident viendra perturber ses fonctions, depuis un télescope, installé sur Terre, détruit par une surcharge, tandis que le système solaire terrestre est de plus en plus frappé par ce genre de mystérieuses surtensions, venue tout droit de Neptune, et qui menacent toute vie humaine. Ayant survécu à sa chute, McBride est alors informé par le US Space Command (SpaceCom) que les ondes ont été attribuées au « Projet LIMA », en quête du Soleil le plus éloignée et d’une vie intelligente qui prouverait que nous ne sommes pas les seuls dans l’univers. Or, ce projet, après avoir atteint Neptune, a disparu sans laisser de traces, il y a seize ans de cela, alors qu’il était dirigé par H. Clifford McBride. Or, il semblerait que Clifford soit encore en vie, tandis que ses actes et ceux de son équipage pourraient être en rapport avec les menaces identifiées... Le major Roy acceptera alors de partir en mission top secrète sur Mars, au fin fond de l’espace, afin d’établir une communication avec lui, et tenter de comprendre ce qu’il s’est réellement passé...

« Ad Astra » a beau emmener notre tête dans les étoiles, il convoite surtout notre esprit à une thérapie au cœur de la question humaine. Au travers d’une relation père-fils, bâtie autour d’une quête spatiale infinie, « Ad Astra » nous parle notamment de l’incapacité de l’homme à s’en remettre à la raison, et dans ce cas-ci après avoir passé sa vie toute entière à la recherche, de là à en oublier son premier refuge, et sa famille. H. Clifford McBride, joué par un intense Tommy Lee Jones le long de ses courtes apparitions, fait partie de ces êtres qui donnerait leur existence à la science, alors que tout ce dont ils avaient besoin se trouvait à côté d’eux. Vis-à-vis de ce père disparu, Brad Pitt joue avec énormément de talent ce fils, au départ, en plein déni de sa figure paternel, lequel va, à mesure de cette odyssée, comprendre que la seule mission qu’il s’est donné est celle de retrouver son père, quitte à que cette quête obnubilée l’éloigne de toute autre objectif de vie, telle qu’une relation sentimentale, impossible à combiner avec l’état et la carapace psychologie auxquels il doit se soumettre pour ses missions. Toute en retenue, mais aussi en émotions lorsqu’il est confronté au mal qui le ronge et qui l’oblige à perdurer sa quête au confins du vide, Brad Pitt est grandiose, et parvient même à nous toucher par une interprétation toute en justesse. L’acteur affiche ici un charisme à toute épreuve, lequel nous prend la main et nous emmène avec lui vers l’infini, et même au-delà.

Co-écrit par James Gray et Ethan Gross (fidèle collaborateur à la filmographie du cinéaste), le film n’en reste pas là et nous confronte à nos propres limites, que l’homme dépasse parfois sans s’en rendre compte, et sans retour en arrière possible, en la question ici de notre légitimité à nous rendre dans l’espace. Et si nous n’étions nous simplement pas fait pour la vie extraterrestre ? À vrai dire, « Ad Astra » est un film qui éloigne l’humain de sa zone de confort pour finalement lui permettre de se rapprocher de lui-même. On est donc avant tout dans le film à visée existentielle, lequel installe d’emblée une réalité dystopique, où la science nous est imposée comme telle. La question n’est donc pas ici comment, mais bien pourquoi.

Au travers d’une mise en scène lente, stimulante (quel montage !), et totalement immersive, James Gray réussit à nous transporter dans le quasi-vide interstellaire, là où le son ne peut se propager. En résulte des prises de vues surréalistes, et pourtant réalisées sur Terre, ainsi que quelques scènes d’action phénoménales. Bénéficiant d’un budget de production de près de 80 millions de dollars (revu à la hausse à près de 100 millions après de nouvelles opérations de tournage), « Ad Astra » est illuminé par la photographie de Hoyte van Hoytema (« Interstellar » et « Dunkerque » de Christopher Nolan), emballé par les décors de Keren O’Hara (qui revient de loin), orchestré par la partition de Max Ritchter (« Werk ohne Autor » de Florian Henckel von Donnersmarck), et enjoué par un travail du son absolument remarquable, respectant les lois de l’univers. Tout a ainsi été pensé pour coller au mieux à une certaine réalité, située dans un futur proche. Le spectateur se laisse alors bercer par l’intensité d’une partition visuelle et auditive sans faille, laquelle vient ponctuer un récit profondément intime, et en quête de sens. « Ad Astra » mérite donc à plus tours qu’on s’isole à notre tour dans une salle de cinéma, et si possible la plus grande possible.

Inspiré par le roman « Au Cœur des Ténèbres » de Joseph Conrad (qui a déjà inspiré le film « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola), le cinéaste James Gray réalise ici sans doute l’un de ses plus beaux films, ou en tout cas son plus audacieux. Et si elle lui a soulevé des difficultés, cette épopée vers les étoiles en valait bien la peine.



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