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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Marie-Castille Mention-Schaar
A Good Man
Sortie en Belgique uniquement en VOD : Sooner, VOO, Proximus
Article mis en ligne le 1er octobre 2021

par Charles De Clercq

Synopsis : Aude et Benjamin s’aiment et vivent ensemble depuis 6 ans. Aude souffre de ne pas pouvoir avoir d’enfant alors Benjamin, un transsexuel en phase de transition, qui se prénommait auparavant Sarah, décide que c’est lui qui le portera.

Avec : Noémie Merlant, Soko, Vincent Dedienne, Gabriel Almaer, Alysson Paradis, Anne Loiret

Les films consacrés à la gestation par un homme sont assez rares. Nous en connaissons quatre (sans prétendre cependant à l’exhaustivité). par ordre de sortie, il y a, en 1973 L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune, réalisé par Jacques Demy. Ensuite, en 1978, un film américain Rabbit Test, réalisé par Joan Rivers ; puis, en 1995 Junior, réalisé par Ivan Reitman, mettant en scène, dans une comédie, Arnold Schwarzenegger, figure emblématique de ma masculinité, portant un bébé. Enfin, toujours de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, en 2016 Deux en un, réalisé par Maureen Bradley. Mais aucun de ces films n’abordait la question d’une gestation par une personne transsexuelle. En février dernier, France Culture a proposé Enceint un reportage documentaire sur ce thème, réalisé par Clémence Allezard (28’).

Marie-Castille Mention-Schaar, à qui l’on doit notamment Les Héritiers (un film, tiré dune histoire vraie, que nous avions apprécié) et La Fête des mères (qui avait laissé Julien dubitatif), consacré à la maternité, revient, à nouveau au thème de la maternité en abordant celle-ci du point de vue du « père », façon de parler, puisque le père en question est une personne transgenre, en phase de transition, et dont l’hystérectomie n’a pas encore été réalisée.

La réalisatrice s’est inspirée d’une « histoire vraie » comme on dit (même si dans le cas de celle-ci la grossesse n’a pas eu lieu) : « Je suis depuis longtemps passionnée par la question des genres, des rôles, des identités. J’ai participé à la production de Coby, le premier documentaire d’un de mes anciens assistants réalisateurs, Christian Sonderegger. Coby retrace le parcours de son frère trans, Jacob Hunt. Dans le documentaire, Jacob a une conversation avec son frère aîné sur son désir de devenir parent. Or sa compagne redoutait de tomber enceinte, terrifiée par la grossesse. Leur seul moyen d’avoir un enfant de manière naturelle impliquait que Jacob porte leur enfant alors qu’il était sur le point de procéder à son hystérectomie, dernière étape de sa transition qu’il attendait avec impatience. Jacob se trouvait donc devant un dilemme douloureux. Comme de nombreux hommes trans, Jacob a procédé à son hystérectomie et n’a finalement pas porté d’enfant. A Good Man n’est donc pas son histoire, mais ce dilemme qu’il évoquait dans cette discussion avec son frère a été mon point de départ. Jacob est décédé l’année dernière. Le film lui est dédié. »

Le film arrive sur les écrans, précédé d’une controverse liée au fait que le rôle de Benjamin soit joué par une actrice cisgenre ! A notre estime, il s’agit d’un argument de très peu de poids, lié, semble-t-il, au développement tous azimuts de la cancel culture ! Nous évoquions la question dans la critique du film En Helt Almindelig Familie (A perfectly Normal Family) où nous relevions que Mikkel Boe Følsgaard était un acteur cisgenre qui habitait à merveille le rôle qu’il jouait et donnait une « corporéité » et une féminité à son personnage de façon criante de vérité. Nous ajoutions que cette interprétation « devrait clore les réflexions actuelles qui mettent en doute l’interprétation de personnages par des acteurs dont ils n’ont pas le genre du rôle » ! Et autant dire, un point positif au film, que Noémie Merlant excelle à rendre à l’image ce personnage féminin en cours de masculinisation (ou en phase de retrouver le genre qu’il estime être le sien). Si l’on comprend l’appel à donner des rôles à des acteurs/actrices transgenres... nous pensons que les choses seront acquises lorsqu’un·e actreur/trice trans interprétera le rôle d’un personnage cisgenre (homme ou femme). Sinon, il faudrait alors qu’un rôle de gay soit joué par un acteur homosexuel ; lesbien par une actrice lesbienne, alcoolique par un·e alcoolique... et, allons plus loin, le rôle d’un psychopathe par un psychopathe... et l’on se demande qui aurait joué alors Hannibal Lecteur où qui aurait remplacé les acteurs gays dans le placard de l’Hollywood de l’âge d’or du cinéma dans leurs rôles de grands séducteurs de femmes !

Un acteur ou une actrice jouent, entrent dans un rôle, interprète un personnage qui n’est pas lui/elle (mais qui peut l’être, ce n’est pas essentiel) et passe ensuite à un autre rôle. Un point c’est tout. Et ici, Noémie Merlant est au top (avec l’aide du maquillage bien sûr, ce n’est pas comme Conchita Wurst, par exemple !). Et bien plus, s’agissant d’une « fille » assignée telle à la naissance, l’on sent encore la femme présente en voyant l’actrice avec un bassin plus féminin que masculin. Grâce à deux flashbacks, le spectateur comprendra l’origine du couple et pourra intégrer cela dans le récit de vie qui nous est donné à voir. Beau et troublant. Ainsi, parmi plusieurs exemples, le fait pour Sarah (sur sa carte d’identité) de recevoir son prénom « Benjamin » et de ne plus être obligé de louvoyer lorsqu’il est en situation de devoir attester de son identité juridique. Il y a bien l’un ou l’autre bémol. Ainsi l’on voit Sarah/Ben dans le miroir et on constate qu’elil a subi une mastectomie. Mais lorsque Ben est à la piscine, on ne remarque rien et donc, lorsque dans le scénario son meilleur pote est surpris que c’était « elle » auparavant, cela parait bizarre. On pourra se dire qu’ils n’ont jamais été à la piscine ensemble qu’il n’ont jamais fait du sport et fréquenté un vestiaire, enlevé le T-shirt (alors que le plan inaugural montre Ben plonger dans la mer). Ce n’est pas rédhibitoire. Ajoutons que Noémie Merlant a eu un coaching par un orthophoniste pour travailler sa voix (qui elle a été traitée en postproduction pour la masculiniser.

En revanche, le film donne parfois l’impression d’avoir voulu cocher « toutes les cases » pour correspondre à un film à thèse : le frère compréhensif, la mère qui ne comprend pas, l’agression homophobe, le conflit dans le couple, le pote qui se sent trahi... et même la case du meilleur maquillage. Enfin, malgré ces qualités qui invitent à conseiller la vision du film, il reste une question sur l’étrangeté d’un titre anglais pour un film français. Pour Soko, la compagne de Ben dans le film, le titre « évoque le fait qu’on n’est pas obligé d’être né homme pour être un homme bien ». Un confrère, quant à lui, pensait que c’est parce que la langue anglaise n’était pas genrée. Quant à nous, nous ne sommes pas vraiment convaincu et regrettons ce choix d’angliciser le titre !



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