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Les critiques de Julien Brnl
Beautiful Boy
Réalisateur(s) : Felix Van Groeningen
Article mis en ligne le 6 décembre 2018

par Julien Brnl

➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 21 novembre 2018

Signe(s) particulier(s) :

  • premier film américain du réalisateur belge Felix Van Groeningen après notamment l’indispensable « The Broken Circle Breakdown » (2012), ou encore « Belgica » (2016) ;
  • adaptation des mémoires du journaliste et écrivain américain David Sheff « Beautiful Boy : A Father’s Journey Through His Son’s Addiction », ainsi que de celles de son fils Nic, intitulées « Tweak : Growing Up on Methamphetamines ».

Résumé : Pour David Sheff, la vie de son fils, Nicolas, un jeune homme brillant, sportif, à l’esprit vif et cultivé, était déjà toute tracée : à ses 18 ans, Nic était promis à une prestigieuse carrière universitaire.
Mais le monde de David s’effondre lorsqu’il réalise que Nic a commencé à toucher à la drogue en secret dès ses 12 ans. De consommateur occasionnel, Nic est devenu accro à la méthamphétamine et plus rien ne semble possible pour le sortir de sa dépendance.
Réalisant que son fils et devenu avec le temps un parfait étranger, David décide de tout faire pour le sauver. Se confrontant à ses propres limites mais aussi celles de sa famille.

La critique de Julien

Décidément, nos cinéastes flamands ont le vent en poupe à Hollywood. Avant de retrouver le duo Adil El Arbi et Bilall Fallah aux commandes de « Bad Boys 3 » en 2020, et près Michael R. Roskam avec « Quand Vient la Nuit » - « The Drop » (2014), c’est au tour de Felix Van Groeningen de se lancer à la conquête du marché américain. Le cinéaste nous avait déjà fait pleurer à chaudes larmes avec son mélodrame « The Broken Circle Breakdown » (titré « Alabama Monroe » chez nos voisins français), lui qui avait d’ailleurs été sélectionné parmi les cinq finalistes prétendant à l’oscar du meilleur film en langue étrangère à la 86ème cérémonie des Oscar du cinéma en mars 2014 (Roskam l’avait fait deux années plus tôt avec « Bullhead »).

C’est désormais chose faite avec le subtil et troublant « Beautiful Boy », adapté des mémoires de la famille Sheff, autour de la dépendance à la méthamphétamine du fils aîné.

Intimiste et réservé, ce drame met d’une part en lumière le combat désespéré d’un père pour la guérison de son fils, dépendant à la méthamphétamine, et d’autre part celle d’un garçon pour parvenir à se sortir d’affaire, et rendre fier son père. D’autant plus que David mise beaucoup en Nic, promis à un bel avenir, lui qui est l’unique enfant né de son premier mariage - et dont il a la garde quasi-exclusive, alors que David est maintenant remarié et père de deux petits enfants.

« Beautiful Boy » nous imprègne par les liens paternels qu’il nous présente. On est littéralement foudroyé par cette relation unique et sublimée par la caméra de note compatriote. Felix Van Groeningen réussit haut la main à adapter avec beaucoup de tact les mémoires de David et Nic Sheff. S’il peut paraître répétitif dans le traitement de son histoire, « Beautiful Boy » respecte la chronologie réelle des événements, et permet justement d’en soulever les enjeux respectifs du père et du fils.

Dans ces rôles, Steve Carell et Timothée Chalamet touchent. Ils ne jouent pas, ils sont ! On a d’ailleurs rarement ressenti autant de justesse d’interprétation dans un duo d’acteurs masculin. Que ça soit pas leurs jeux de regard, une écriture de dialogue authentique, et une complicité sans faille entre les deux acteurs, ce film ne s’oublie pas de sitôt.

Dans les rôles féminins, Amy Ryan (la maman) et Maura Tierney (la belle-mère) ne sont pas non plus en reste. Cette dernière, révélée aux yeux du monde dans le rôle du docteur Abby Lockhart dans la série « Urgences », est d’ailleurs bluffante, et porte en elle le soutient indéfectible d’une mère pour un enfant qui n’est biologiquement pas le sien, mais qu’elle considère comme tel. D’ailleurs, cette scène où son personnage file à toute allure pour rattraper Nic en voiture, on n’est pas prêt de l’oublier...

Tandis que l’on suit la longue descente aux enfers de Nic et son incapacité à se tirer d’affaire devant les yeux impuissants de son père, ainsi que la lente et dure acceptation de ce père dans son incapacité à soigner son fils, le cinéaste nous permet par des flash-back de comprendre comment Nic est tombé dans la drogue, alors qu’il venait d’entrer à l’université. Et malgré la bonne volonté de Nic, dont quelques périodes de sobriété, le film parvient à illustrer la véritable définition de dépendance. C’est justement au travers du contraste complexe et intense entre la maladie et les sentiments que ce film touche en plein cœur. Loin d’être manichéen et tire-larmes, « Beautiful Boy » nous montre que tant qu’on n’est pas en phase avec soi-même, alors ni les meilleures intentions du monde, ni même le meilleur soutient ne peuvent y changer grand chose. Aussi, le film montre les limites de la raison, et du dévouement parental. Car il n’y a finalement rien de plus dangereux que de mettre sa propre vie en danger pour celle des autres...

Comme à son habitude, l’œuvre de Felix Van Groeningen offre une importante part à la musique, venant directement se greffer à la lecture des propos, et leur évolution. Utilisée à bon escient, celle de « Beautiful Boy » épouse à merveille les émotions partagées tout au long de récit. De David Bowie, à Nirvana, en passant par John Lennon ou encore Sampha, les titres choisis illustrent autant l’autodestruction de son personnage principal que la sublime relation filiale avec son père.

On ne se lasse donc pas de suivre les mésaventures de cette famille, non pas que voir leur malheur nous fait plaisir (loin de là), mais bien parce que « Beautiful Boy » est un grand film de cinéma, dans le sens où les acteurs interprètent tellement bien leurs personnages que l’on croirait voir de véritables personnes comme vous et moi, et non plus des comédiens. Bref, c’est totalement évasif, et d’une vérité stupéfiante ! Et c’est d’autant plus réussi que ce film est directement adapté des mémoires de la famille Sheff, lesquelles desservent, sans jugement ni morale bien pensante, les ravages de l’addiction.



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